La réflexion sur la réforme de l'assurance-maladie prend corps et chacun précise, peu à peu, ses intentions.
Alors que la Mutualité française rendra public son projet la semaine prochaine, les compagnies d'assurances, qui ne financent que 3 % des dépenses totales de soins et biens médicaux, se préparent à jouer un rôle accru dans l'hypothèse d'une nouvelle répartition du « marché » de la santé entre régimes obligatoires et complémentaires. Clairement, les assureurs (qui, à l'instar des mutuelles, ne supportent plus leur rôle de payeurs aveugles) veulent se donner les moyens d'une politique de gestion du risque maladie.
La Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) propose de créer une « agence de coordination » qui préciserait, poste par poste, la nouvelle répartition des interventions des régimes obligatoires et de l'assurance complémentaire (de 0 % à 100 %). Cette agence composée de représentants du ministère de la Santé, de l'assurance obligatoire, des mutuelles, des institutions de prévoyance et des assureurs serait rattachée à un « conseil de sages » (des experts indépendants et inamovibles) qui validerait les objectifs de santé publique et participerait à la définition du panier de biens et de services. Certains retiendront de ce schéma qu'il aboutit à créer deux structures supplémentaires, alors que notre pays n'en manque pas. Mais la FFSA espère aboutir à une « corégulation » des dépenses grâce à l'action concertée des différents intervenants.
Capitation partielle
Comment ? La FFSA estime que, dans ce « Yalta » de la santé, les régimes obligatoires devraient se « recentrer sur leur cur de métier », à savoir « les maladies graves qui représentent 50 % des dépenses ». En revanche, les assurances sont prêtes à jouer « pleinement leur rôle » par une prise en charge intégrale au premier euro, notamment dans les secteurs de soins où elles ont acquis un « savoir-faire et une légitimité », souvent parce que la Sécurité sociale s'est déjà largement désengagée. Les domaines des soins optiques et dentaires, mais aussi une liste non exhaustive d'appareillage divers (audioprothèses, produits et prestations remboursables...) sont les principaux marchés visés. Des prestations non remboursées telles que certains tests diagnostiques ou certains vaccins, des dispositifs médicaux en attente de remboursement (stents, défibrillateurs) ou certaines médecines douces pourraient également, selon la FFSA, être pris en charge par les assureurs complémentaires seuls. Plusieurs milliards d'euros sont en jeu. Déjà, des expériences de plates-formes et de réseaux gérés par des assureurs (Axa, Groupama...) ont été mis en place. Il s'agirait d'aller beaucoup plus loin.
Pour cela, la FFSA pose plusieurs conditions. D'abord, la participation à « toutes le instances d'enregistrement, d'évaluation et de fixation des prix » aux côtés des régimes obligatoires. Ensuite, les compagnies d'assurances exigent l'accès aux informations médicales détaillées qui leur seront nécessaires. A cet égard, le rapport de Christian Babuziaux sur l'accès des complémentaires aux données de santé des feuilles de soins électroniques, remis hier au ministre de la Santé, ouvre plusieurs pistes. Enfin, les assurances veulent diffuser une « culture du résultat » : développement de la gestion analytique, déclinaison locale des politiques de santé autour de sept ou huit grandes régions et négociation systématique avec les offreurs de soins. Pour les professionnels de santé libéraux, la FFSA suggère au moins partiellement de sortir de la logique de la tarification à l'acte et d'introduire « des mécanismes de capitation partielle » pour la prévention, la responsabilisation des patients ou la formation.
Chèque santé
Pour solvabiliser les plus démunis, la FFSA propose enfin de substituer à la CMU complémentaire un dispositif d' « aide personnalisée à la santé ». Sous forme de chèque individuel et nominatif, cette aide dégressive en fonction des revenus permettrait la souscription d'un contrat complémentaire santé auprès de tout organisme régi par les directives d'assurances.
Pour couper court aux critiques que le mouvement mutualiste ne manquera pas de formuler, la FFSA affirme que les compagnies d'assurances respectent désormais, dans la « presque totalité des contrats proposés », les caractéristiques d'une gestion solidaire : pas de questionnaire médical, pas de tarification différenciée en fonction de l'état de santé, garantie viagère, etc. En octobre 2002, les assureurs ont d'ailleurs obtenu la suppression de la taxe de 7 % qui s'appliquait aux contrats maladie. la concurrence promet d'être vive sur le marché de la santé.
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