LE DIAGNOSTIC de manifestations dépressives légères et transitoires (MDLT) repose sur la présence depuis plus de quinze jours d'au moins 2 et au maximum 4 des 9 critères du DSM-IV (5 sont exigés pour le diagnostic de dépression majeure caractérisée) ; la présence d'un des deux signes principaux : affaiblissement de l'humeur ou anhédonie n'est pas obligatoire. Cette symptomatologie doit être distinguée de celle des troubles de l'adaptation avec élément dépressif, de la dépression brève récurrente ou des dépressions dysphoriques ; l'absence de signes, même discrets, d'excitation élimine les troubles cycliques. Il n'est pas toujours aisé de distinguer ces manifestations dépressives légères d'une dépression majeure débutante ou d'une forme légère de dépression caractérisée. Le suivi de ces patients permettra de repérer l'aggravation des signes, l'apparition des symptômes essentiels comme la tristesse pathologique ou le désintérêt, témoins d'une dépression caractérisée. «Si on étiquette parfois ces épisodes dépressifs de mineurs», prévient le Pr Maurice Ferreri, cela ne signifie en aucun cas qu'ils sont anodins. Non seulement ils peuvent évoluer vers la récidive ou le trouble dysthymique, mais ils peuvent aussi correspondre à un prodrome d'épisode dépressif majeur ou à sa régression incomplète. Ils constituent une souffrance psychique durable, qui perturbe la vie familiale et socioprofessionnelle et est susceptible d'entraîner de multiples consultations pour diverses plaintes somatiques, des arrêts de travail, voire des invalidités.»
Une nouvelle alternative thérapeutique.
Les antidépresseurs classiques n'ont pas d'AMM en dehors de l'épisode dépressif majeur caractérisé, et conformément aux résultats des métaanalyses, l'HAS recommande de les prendre en charge par la psychothérapie. Mais les patients ne disposent pas toujours du temps nécessaire ou n'adhèrent pas unanimement à ce type de prise en charge et, par ailleurs, il semble plus efficace d'associer psychothérapie et traitement pharmacologique. Dans ce contexte, la prescription du millepertuis titré standardisé constitue une bonne alternative. Son principe actif, l'hyperforine, agit par inhibition de la recapture de la sérotonine et dans une moindre mesure de la noradrénaline et de la dopamine. Diverses études ont apporté la preuve de l'efficacité du millepertuis dans les MDLT ; la métaanalyse de Roder (2004) a confirmé que le millepertuis se révélait supérieur au placebo pour soulager les MDLT et avait une efficacité identique aux antidépresseurs de synthèse tout en entraînant moins d'effets indésirables. L'étude de Laakmann (1998) a comparé chez 147 patients un extrait titré à 0,5 % d'hyperforine, un extrait titré à 5 % et un placebo, chez des patients atteints de dépressions légères avec un score de Hamilton supérieur à 17 (21 en moyenne) à l'inclusion. A la fin de l'étude (42 jours), l'extrait titré à 5 % a bénéficié d'un taux de répondeurs (baisse de la moitié du score de Hamilton) de 49 % vs 38,8 %, pour l'extrait titré à 0,5 %, et 32,7 % pour le placebo. L'ensemble des études a permis au millepertuis standardisé titré à 5 % d'hyperforine d'obtenir une AMM pour les manifestations de tristesse, de baisse d'intérêt, de trouble du sommeil. En ce qui concerne la tolérance, une étude de Lemmer retrouve chez 6 154 patients traités 42 effets indésirables (soit une incidence de 0,66 %), essentiellement des photosensibilisations légères, des métrorragies, quelques plaintes digestives et des nausées. «Le millepertuis n'est pas remboursé et peut être délivré sans ordonnance, mais il convient néanmoins d'informer le patient et de lui expliquer qu'il s'agit d'un “vrai” médicament dont la prescription doit être encadrée et médicalement suivie», explique le Dr Patrick Bibas, médecin généraliste. Un certain nombre de précautions et de contre-indications sont à respecter du fait des interactions avec le cytochrome P450, et le millepertuis est contre-indiqué avec les médicaments suivants : antivitamine K, digoxine, contraceptifs oraux (mais pas le THS), anticonvulsivants (sauf la carbamazépine la gabapentine et le vigabatrin), théophylline, immunosuppresseurs, irinotécan, inhibiteurs des protéases. Si le traitement peut en théorie être arrêté du jour au lendemain un arrêt progressif est plutôt recommandé. Le patient doit être rapidement adressé au psychiatre en cas d'aggravation des troubles ou si la symptomatologie ne rétrocède pas.
Session « Manifestations dépressives légères : nouvelles attentes thérapeutiques et réponses adaptées », parrainée par les Laboratoires Médiflor, avec la participation du Pr Maurice Ferreri (hôpital Saint-Antoine, Paris) et des Drs Patrick Bibas (Paris), Franck Gigon (Val-de-Marne) et Olivier Joly (responsable médical, Laboratoires Médiflor).
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