Mandarinades

En octobre 1985, sa «?découverte » d’un traitement miracle du sida – par la ciclosporine ! – faisait déjà la Une des journaux. En 2010, il récidive. Voilà que le pneumologue met en cause les dangers du tabagisme passif. Aujourd’hui, en publiant, avec Bernard Debré, le « Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles et dangereux », Philippe Even n’en est plus à une bravade médiatique.

Certes, la création naît de l’audace. Et les deux mandarins n’en sont pas dépourvus. Mais faut-il pour autant tomber dans la provocation et les inexactitudes ? Depuis une semaine, nombre d’allégations contenues dans l’ouvrage – un rien racoleur – destiné au grand public ont fait bondir la communauté médicale. Et pour cause… Selon les auteurs, « le cholestérol ne présenterait aucun danger pour 90 % de la population des plus de 40 ans, et pour les 10 % restant, il ne serait qu’un facteur de risque mineur » ! C’est l’ensemble du corpus scientifique sur l’athéro-sclérose que les deux mandarins explosent d’un revers de phrase. « Les statines ne servent à rien chez 90 % de ceux à qui on les donne ! »?: allez ensuite convaincre vos patients d’être observants… Le diabète n’est pas en reste : « Les nouveaux traitements des années post-1990 (…) sont moins efficaces (…) et plus dangereux » et aux auteurs d’affirmer faussement que les glitazones ont été retirées du marché européen et d’insinuer que la metformine serait insuffisamment prescrite alors qu’elle figure en tête des recommandations internationales ! Et tout à l’avenant.

Bref, ce guide de 900 pages qui se devait d’être fouillé et rigoureux, compte tenu du sujet abordé, n’est en fait qu’un un fouillis d’informations et d’approximations. Quant aux 20 000 références bibliographiques qui ont présidé à l’élaboration de ce réquisitoire, elles ne seraient malheureusement consultables qu’à l’institut Necker. Dommage ! À ce niveau de dénonciation – 50 % de médicaments inutiles, 20 % de mal tolérés, 5 % de «?potentiellement très dangereux?», 10 à 15 milliards d’euros gaspillés chaque année –, la preuve est aussi importante que le message qu’elle délivre.