> La santé en librairie
PARCE QUE LES LIENS mère-fille sont de forte intensité ; parce que les filles ont plus tendance que les garçons à s'identifier à leur mère ; parce que la société incite à cette relation fusionnelle entre les mères et les filles, pudiquement qualifiée de relation de complicité ; parce que leur impossibilité de se détacher de leur mère peut gâcher la vie des filles ; parce que, enfin, être une fille n'est pas toujours facile, que la mère idéale n'existe pas mais que le savoir n'est pas inné, voilà un ouvrage qui intéressera les mères comme les filles. La psychiatre et psychanalyste Marie Lion-Julin dédie d'ailleurs son livre aux siennes, Alizée et Anaïs.
Bien sûr, explique t-elle en préambule, si nous nous sentons épanouies, libres et sans contradictions, tout va bien. C'est le cas de nombreuses femmes. Pour d'autres, en revanche, les choses sont plus compliquées : mal-être, relation encore difficile avec la mère, difficile aussi avec la fille. Là, il faut oser approcher cette relation complexe pour aller au-delà des évidences, comprendre le malaise, et éviter de le reproduire. Éventuellement avec l'aide d'un psychothérapeute. En consultation, souligne l'auteur, c'est d'ailleurs essentiellement de leur relation à leur mère dont parlent les femmes tant elles ont l'intuition que le coeur de leurs difficultés se trouve par là.
Avant d'envisager la consultation d'un thérapeute, celle d'un livre peut aider. Celui-là est clair, sans pathos. Après avoir donné dans une première partie quelques clefs élémentaires de psychologie, décrit l'impact de la mère sur la vie de toute femme, la symbiose, la triangulation, l'empreinte maternelle sur la sexualité, le désir d'enfant, la maternité, l'auteur aborde la relation lorsqu'elle devient pathologique. Le portrait des mères pathogènes, qu'elles soient des mères dépendantes de leur fille, rejetantes, jalouses, rivales ou déprimées, conduit à celui des filles qui souffrent et transmettent à leur tour les failles dont elles ont été victimes. Pour s'intéresser aux moyens de se défaire de ces liens destructeurs, comprendre la relation, sortir de l‘idéalisation ou de la haine stérile, apprendre à distinguer les bons des mauvais côtés maternels ; bref, se libérer, soi et sa propre fille, qu'il s'agit de ne pas enfermer à son tour. De nombreuses histoires de thérapie ponctuent cette réflexion de thérapeute, de maman de filles, qui a elle-même compris les implications de sa relation avec sa propre mère.
La santé des femmes.
La liberté chèrement acquise dont les femmes jouissent dans un certain nombre de pays, dont les nôtres, est certes le fait du détachement d'avec la mère, mais pas seulement. C'est aussi le fait des avancées médicales, comme le rappelle René Frydman dans sa préface du livre du Pr Catherine Weil-Olivier. Contraception, traitement de la ménopause, procréation médicalement assistée, dépistage organisé des cancers féminins, les spécificités de la santé des femmes sont désormais reconnues. Ces progrès médicaux sont allés de pair avec un changement des mentalités et des avancées politiques : droit de vote octroyé aux femmes en 1944, possibilité d'exercer une activité professionnelle sans l'autorisation du mari depuis 1965, indemnisation du congé maternité en 1971, remboursement de la contraception en 1974, autorisation de l'IVG en 1975, ouverture progressive des grandes écoles aux filles dans les années 1980, entre autres.
Pédiatre, Catherine Weil-Olivier décrit chacune des grandes mutations de la prise en charge de la santé des femmes de ces cinquante dernières années pour rappeler qu'une telle émancipation n'a pu se faire qu'avec ces avancées, qu'aujourd'hui nous considérons comme allant de soi alors que la plupart ont été gagnées de haute lutte. En résistant contre bien des idées reçues et des réticences de la part du corps médical comme de la société tout entière. On croit savoir tout ça, mais ce qui va sans dire va parfois encore mieux en le disant.
Marie Lion-Julin, « Mères : libérez vos filles », Odile Jacob, 265 pages, 21,50 euros. Catherine Weil-Olivier, « Vie de femmes - 50 ans d'avancées médicales », avec la collaboration de Laurence Delchiaro, John Libbey Eurotext, 126 pages, 14 euros.
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