Un amphi bondé et agité au sein de l'hôpital de la Salpêtrière (Paris), des experts venus de France et de Navarre - psychiatres et pédopsychiatres, épidémiologistes, médecins légistes, sociologues, magistrats, etc. -, une méthode empruntée à l'ANAES (Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé), le soutien de la direction générale de la Santé : voilà le cocktail imaginé par la FFP pour élaborer, après nombre de débats et délibérations, des recommandations sur le délicat sujet de la maltraitance sexuelle.
En deux jours, tout y passe, ou presque : comment reconnaître une maltraitance, recueillir des révélations dans des conditions éthiques, établir une prise en charge sur le long terme, organiser la prévention collective sans tomber dans les effets pervers de la surmédiatisation. Et ce, chez l'enfant, l'adolescent, l'adulte, la personne âgée - avec un vide marquant concernant les handicapés en institution, et pour cause : la littérature est quasi muette sur le sujet.
L'Observatoire national de l'enfance en danger (ODAS) enregistre environ 6 000 abus sexuels (déclarés) chez les enfants en 2001, soit un tiers des situations de maltraitance en France. Selon le Service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée (Snatem, correspondant au numéro vert 119), les cas d'inceste représenteraient 57 % des viols sur mineurs et 75 % des agressions sexuelles sur enfant. D'où la complexité extrême de la prise en charge alors même que, selon la sociologue Florence Magnen, il revient normalement au parent de « rester le protecteur naturel de l'enfant ».
Beaucoup de questions, des réponses controversées
De fait, la conférence de consensus semble poser plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. Si les experts sont tombés rapidement d'accord sur le problème de « la mise en scène du sexuel au travers des médias », source de nombreuses dérives, ou encore sur la nécessité de référentiels méthodologiques, notamment pour le recueil de la parole de l'enfant, afin d'éviter les traumatismes secondaires, l'homogénéité des points de vue n'était pas de mise sur tous les sujets.
Le Dr Jean-Yves Hayez (Bruxelles) a jeté un pavé dans la mare en évoquant les dysfonctionnements de la justice et leur impact négatif sur les victimes, pour qui - selon lui - le dépôt de plainte ne serait pas toujours justifié en l'état actuel de nos instances judiciaires. Il établit une différence nette entre « la loi qui nous dit de respecter nos vies, nos corps, notre dignité » et « les textes de loi, écrits par des hommes », donc imparfaits et évolutifs.
De quoi faire bondir Michèle Bernard-Requin, magistrate, pour qui la « loi doit être dite, l'agresseur nommé ». D'autres intervenants ont déploré l'absence de prévention auprès des agresseurs, ou encore la maladresse des guides de prévention « pédagogiques » qui nient la culpabilité que peut ressentir l'enfant victime d'abus en croyant le libérer d'un poids. Enfin le Dr Roger Salbreux, pédopsychiatre, a plaidé « pour tous ceux qui ne consultent pas, pour tous les handicapés en institution, victimes d'abus sexuels alors que les personnels ne sont pas formés, et pour qui lorsqu'une affaire éclate, le directeur dit : "Vous avez transformé mon établissement en lupanar" ».
Un débat passionné, donc, pour un sujet passionnel, dont les recommandations seront publiées en décembre sur le site http://psydoc-fr.broca.inserm.fr/.
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