Au cours de ces derniers jours, les Américains ont subi une série de revers militaires et politiques ; leur campagne d'Afghanistan se déroule dans des conditions de plus en plus alarmantes. Mais rien ne leur garantissait une « jolie » guerre. Et les Européens n'ont pas de raison de réduire leur soutien.
Les Etats-Unis ont déjà perdu la bataille de la communication. Pendant qu'ils refusent de fournir des informations sur l'évolution de la bataille, les talibans annoncent qu'ils ont exécuté Abdul Haq, un Afghan rentré dans son pays pour rallier des Pachtoun à l'Alliance du Nord et qu'ils ont arrêté des citoyens américains.
Sombre tableau
A la frontière pakistano-afghane se massent des milliers de volontaires prêts à mourir pour les talibans qui, non sans sérénité, affirment qu'ils n'ont pas besoin d'eux. La crise s'aggrave au Pakistan où des fanatiques ont assassiné de nombreux chrétiens dans un temple protestant. Les victimes civiles des bombardements et les erreurs de tir commencent à être nombreuses ; on est amené à se demander si ces bombardements sont utiles, dès lors qu'ils tuent ceux que les Etats-Unis sont censés libérer et semblent épargner le pouvoir taliban dont le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, reconnaît qu'il est « coriace ».
Pour compléter cette somme d'échecs, Oussama Ben Laden demeure introuvable.
Le tableau est donc sombre. Mais perdre une bataille, comme chacun sait, n'est pas perdre la guerre. Et la pusillanimité serait notre pire ennemie. La détermination des Américains est ainsi mise à l'épreuve. Ils n'entendent ni céder ni changer de stratégie. On peut imaginer que, s'ils ne diffusent pas leurs informations, c'est pour se livrer plus tard à un effet d'annonce spectaculaire. Il n'empêche que le temps leur est compté, à cause de la crise au Pakistan et à cause des victimes civiles.
Compte tenu des inconnues multiples de la campagne, on se contente d'espérer que les Etats-Unis, tout en gardant leurs objectifs - la destruction des réseaux terroristes et le changement de régime à Kaboul - envisagent des modifications tactiques : moins de bombardements aveugles, plus d'opérations au sol avec le concours des Britanniques et du renseignement français.
Aux Etats-Unis même, où les mesures de sécurité ont été renforcées, les attaques au bacille de charbon semblent provenir d'extrémistes américains sans rapport avec le fanatisme islamiste. Les autorités américaines n'ont pas toujours réagi comme il convenait à la dissémination du bacille : les postiers se plaignent d'être les laissés-pour-compte ; certains gouverneurs ont laissé des villes entières sombrer dans la panique avant même d'avoir testé des poudres inoffensives ; des milliards de dollars sont déversés sur les moyens militaires et policiers qui n'ont pas prouvé, à ce jour, qu'ils étaient très efficaces. Pour couronner le tout, le Congrès, qui ne refuse plus rien à George W. Bush, a adopté une loi qui pénalise les citoyens américains en ce sens qu'elle restreint leurs libertés, alors que ces mêmes Américains sont des victimes, non des criminels.
A la décharge de l'administration, on dira qu'elle est confrontée à une crise sans précédent, à des actes de terrorisme inédits, à une guerre infiniment plus difficile à conduire que celle du Golfe, à des attaques au bacille de charbon auxquelles aucun gouvernement n'est préparé, avec des risques épidémiques dont tout le monde reconnaît qu'ils sont impossibles à prévenir, sauf à mettre en place des mesures aussi coûteuses que probablement inutiles : par exemple, on ne peut pas vacciner tous les Américains contre la variole avant d'avoir décelé des cas de variole.
Un terrain nouveau
Les dirigeants américains avancent donc sur un terrain qui n'a jamais été exploré auparavant. Et il n'est pas impossible que les quatre semaines de préparation qui ont précédé l'intervention en Afghanistan n'aient pas été suffisantes.
Cependant, le pire serait d'accuser le coup et de montrer des signes de découragement. Il y aura fatalement une explication entre élus et électeurs américains sur la loi qui renforce les pouvoirs policiers ; il y en a déjà une sur des décisions qui ont permis aux membres de la Chambre des représentants d'évacuer leurs locaux pendant que les postiers poursuivaient leur travail sans aucune protection.
Certes, les médias américains ne tolèreront pas indéfiniment que les bombardements fassent chaque jour des victimes civiles. Réclamer une tactique différente ne revient pas à baisser les bras. Les talibans sont des guerriers féroces pour qui la vie n'a aucune valeur. De ce point de vue, ils bénéficient d'un avantage militaire. Mais l'Amérique n'a pas le choix. Elle peut « douter », comme l'affirment certains journaux, mais cette fois elle a été directement agressée, ce qui n'était le cas ni au Koweït ni au Kosovo.
Peut-être y a-t-il eu de la précipitation à la Maison-Blanche, justement parce que les Américains exigeaient une revanche immédiate. Il n'est pas impossible que, de même que les dirigeants américains improvisent dans leur lutte contre le bacille de charbon, ils progressent au coup par coup dans la guerre sans avoir prévu toutes ses complications, comme ils s'efforçaient de nous le faire croire il y a quelques jours encore. Quoi qu'il en soit, les erreurs commises par l'administration Bush ne l'empêcheront pas de tenir bon, et longtemps.
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