POUR FREDERIC van Roekeghem, patron de l'assurance-maladie, les chiffres valent mieux que les longs discours. Il les égrène régulièrement à propos du médecin traitant comme autant d'indices de la « réussite » de cette réforme : « Vingt millions de Français » ont renvoyé leur formulaire à ce jour (sur 48 millions de déclarations envoyées par les différents régimes) ; « 98 % des généralistes », « 69 % des MEP » et « 30 % des médecins spécialistes » sont médecins traitants d'au moins un patient. Et les caisses enregistrent pas moins de « 250 000 » déclarations par jour à l'approche du 1er juillet, date d'entrée en vigueur officielle du médecin traitant.
Si ces statistiques peuvent impressionner, elles masquent de fortes disparités régionales. Dans le Nord - Pas-de-Calais, 51 % des patients de plus de 16 ans ont certes choisi un médecin traitant ; en revanche, l'Ile-de-France et Rhône-Alpes sont à la traîne avec des taux de retour respectifs de 32,5 % et 35,6 %. La tradition du médecin de famille n'est guère ancrée à Paris, ce qui explique ce résultat mitigé. Les campagnes « radio » de l'assurance-maladie vont donc continuer après la date du 1er juillet pour inviter le maximum de patients à jouer le jeu. « Nos concitoyens vont devoir modifier leur comportement vis-à-vis de l'accès au médecin », martèle le directeur de la Cnam.
Durcissement progressif.
Reste que toutes les règles de ce jeu ne sont pas connues. Après-demain, en effet, seules les hausses de tarifs et le nouveau droit au dépassement pour les spécialistes du secteur I (DA) entreront en vigueur dans la pratique. Pour beaucoup d'observateurs, deux décrets cruciaux manquent pour rendre lisible le dispositif du médecin traitant. La baisse du remboursement appliquée lorsqu'un patient ne respecte pas le parcours de soins s'appliquera « au plus tard » au début de l'année prochaine. Quant au décret sur les contrats responsables, qui fixera le niveau de remboursement des dépassements hors parcours par les mutuelles et les assurances, il devait être transmis cette semaine aux complémentaires (le gouvernement devait demander une franchise de 7 euros non remboursable). Pour une mise en route de ces nouveaux contrats l'année prochaine.
Malgré le double calendrier du médecin traitant (nouveaux tarifs au 1er juillet, règles définitives du remboursement au 1er janvier), qui ne simplifie pas la donne, la Cnam reste convaincue que sa méthode est bonne. Et que les patients comme les médecins vont s'y retrouver. « Le 1er juillet est une étape intermédiaire. Le fait qu'il y ait une période d'adaptation n'est pas choquant. Mais les assurés doivent savoir que, progressivement, la règle va se durcir », explique Frédéric van Roekeghem, pour qui il est normal qu'une réforme impliquant près de 50 millions de personnes se fasse « pas à pas ».
Guère convaincue par la tournure des événements, la Mutualité française a déjà annoncé qu'elle proposerait, lors de son prochain congrès à Lyon en juin 2006, un « parcours de soins mutualiste privilégiant la qualité des soins ». Une manière claire de se poser en interlocuteur privilégié des professionnels de santé dans la mesure où la réforme, analyse la Mutualité, a été « dénaturée » par la convention médicale.
Fiches explicatives.
Si le cadrage politique de la réforme fait débat, des craintes subsistent également sur le caractère parfaitement opérationnel du dispositif. Nouveaux codes actes, nouvelles feuilles de soins (papier et électronique) adaptées au parcours coordonné : le défi technique est lui aussi de taille. De nombreux médecins redoutent des incompatibilités de logiciels, des difficultés de télétransmission. Et MG-France invite les généralistes à utiliser exclusivement la nouvelle feuille papier. La Cnam affirme de son côté avoir fait le nécessaire. « Nous avons pris des mesures pour que les outils de gestion soient opérationnels au 1er juillet. Nous avons travaillé avec les éditeurs pour la mise à jour des logiciels actuels ou la modification des codes », déclare Marie-Renée Babel, directrice déléguée de la Cnam aux ressources et aux réseaux. Les correspondants Sesam-Vitale dans les caisses devraient également « aider » les médecins qui recevront cette semaine des fiches explicatives sur les nouveaux codes actes. Côté patients, les relevés de remboursement ont été revus pour préciser la situation des assurés au regard du parcours de soins.
Mais pour le directeur de la Cnam, il importe maintenant de passer de la phase où le choix du médecin traitant est vécu comme une « formalité administrative » à un dispositif qui améliore la prévention (conformément aux objectifs de la loi de santé publique) et prenne tout son « sens médical ». Une manière de reconnaître qu'il manque encore un pan de la réforme.
Secteur II : les médecins ne se ruent pas sur l'option de coordination
Ni la Cnam ni les syndicats n'ont beaucoup communiqué sur l'option de coordination proposée dans la convention aux médecins du secteur II. Est-ce la raison pour laquelle cette option ouverte en avril ne semble pas, c'est le moins qu'on puisse dire, connaître un succès foudroyant ? Pour la première fois, le directeur de la Cnam, a reconnu que le nombre de médecins de secteur II ayant fait ce choix était « faible » à ce jour , « quelques centaines environ » (dont plusieurs leaders syndicaux...) . Pourtant, des milliers de médecins généralistes et (surtout) spécialistes de secteur II sont potentiellement concernés. Dans ce cadre, le praticien de secteur II s'engage à pratiquer dans le parcours de soins coordonnés des honoraires opposables (actes cliniques) ou des dépassements maîtrisés (actes techniques) et à pratiquer au moins 30 % d'activité globale en tarifs opposables. En contrepartie, les caisses participent partiellement aux cotisations sociales. L'assurance maladie communiquera davantage sur cette option en juillet. Et dès la rentrée, la Cnam devrait proposer un logiciel d' « appui » et de simulation pour que chaque médecin volontaire puisse faire ses calculs (habitudes de dépassements, profil des patients) et prenne sa décision sans risque de mauvaise surprise.
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