PRATIQUE
MALAISE GRAVE ASSOCIE A UN CONTEXTE
Malaise et fièvre
Malaise et fièvre orientent vers une pathologie infectieuse grave du nourrisson : toute fièvre chez un nourrisson de moins de 3 mois impose une prise en charge spécifique compte tenu de la gravité des épisodes fébriles à cet âge, et compte tenu de la fréquence des bactériémies associées. Le diagnostic de méningite, de bactériémie sur pyélonéphrite peut être en cause. Le bilan infectieux doit être réalisé rapidement (numération formule sanguine, C Reactive Protein, hémoculture, examen cytobactériologique des urines, ponction lombaire), le traitement antibiotique débuté rapidement.
Malaise et signes infectieux évoquant une affection pulmonaire
Il convient de penser rapidement à la bronchiolite à virus respiratoire syncytial (VRS) en phase d'épidémie, surtout l'hiver, avec parfois le syndrome apnéique inaugural touchant essentiellement le nourrisson. Il existe également des bronchiolites d'évolution aiguë grave avec tableau de myocardite. Il conviendra également de penser au diagnostic de coqueluche avec ses quintes asphyxiantes. La recherche du VRS et du bacille de la coqueluche en immunofluorescence dans les sécrétions pharyngées est utile, la radiographie pulmonaire peut montrer des atélectasies, des surinfections. Le nourrisson de moins de 3 mois est surveillé en milieu hospitalier sous cardiomoniteur, à proximité du matériel de réanimation.
Malaise au décours du bain
Il convient toujours de suspecter la possibilité d'une intoxication à l'oxyde de carbone dans une salle de bains mal ventilée, surtout si d'autres membres de la famille ont également présenté des malaises ou céphalées. Certains signes cliniques sont suggestifs (insuffisance respiratoire sans cyanose, collapsus circulatoire, coma, convulsions, céphalées, troubles digestifs subits, asthénie inexpliquée). Le diagnostic est confirmé si le taux de carboxyhémoglobine est élevé (HbCO > 15 %). Le traitement est symptomatique et repose sur l'oxygène nasal puis sur l'oxygénothérapie hyperbare si possible.
Malaise et signes physiques évoquant des sévices
Penser au syndrome de Silverman, au syndrome des enfants secoués, et ne pas oublier le syndrome de Münchausen par procuration, diagnostic à évoquer avec beaucoup de prudence mais dont il faudra se méfier si les malaises sont associés à des symptômes bizarres, incompréhensibles, s'il existe des hospitalisations multiples dans des centres différents, si les résultats des nombreuses explorations réalisées sont négatifs ou aberrants. Ce diagnostic devra être soulevé chez des nourrissons présentant des malaises graves itératifs nécessitant des manuvres de réanimation, surtout si ces nourrissons sont des collatéraux d'enfants décédés de mort subite du nourrisson, d'enfants ayant présenté des malaises graves ou des convulsions. Le bilan est essentiellement radiologique (radiographie du squelette, échographie transfontanellaire).
Malaise et jeûne
Tout malaise survenant à distance de l'alimentation oriente vers une cause métabolique, notamment vers la possibilité d'une hypoglycémie fonctionnelle ou organique. La plupart des auteurs retrouvent une cause métabolique dans un nombre limité d'observations avec une fréquence inférieure à 5 %, peut-être surestimée par d'autres auteurs.
Dès que l'origine métabolique d'un malaise est suspectée, il convient lors de la phase aiguë de réaliser une glycémie et une cétonémie, un bilan hépatique (transaminases, TP), un bilan acido-basique, une ammoniémie et un dosage des lactates et du pyruvate, de garder des échantillons de sang et d'urines qui seront envoyés ultérieurement au laboratoire pour examens spécifiques.
Malaise et changement de position
Dans ces conditions, la composante mécanique est dominante, qu'il s'agisse d'une obstruction pharyngo-laryngée brutale liée à une décompensation d'une malformation locorégionale type kyste du carrefour oro-pharyngé, ou qu'il s'agisse de l'expression haute d'un reflux gastro-sophagien. Un examen ORL avec nasofibroscopie, parfois une pHmétrie confirmeront le diagnostic.
Malaise au cours de l'alimentation
On évoque la possibilité de troubles de la déglutition avec fausses routes, d'un arc vasculaire anormal ou d'une sophagite peptique. Le TOGD avec étude de la déglutition et clichés de profil est l'examen de choix en première intention, complété éventuellement par une fibroscopie.
Malaise et syndrome asphyxique
Il convient d'emblée d'évoquer la fausse route ou un corps étranger respiratoire chez le nourrisson plus âgé. La RxP inspiration, expiration peut montrer un piégeage de l'air.
Malaise avec hypotonie et pâleur
Chez le nourrisson de plus de 6 mois, l'invagination intestinale aiguë doit être évoquée et recherchée par échographie.
Malaise et signes évoquant une cardiopathie
La résistance de la cyanose à l'oxygénothérapie, la découverte d'une hépatomégalie, d'un souffle cardiaque, de l'absence de pouls fémoraux, d'une dyspnée isolée, d'une mauvaise courbe pondérale, font craindre une cardiopathie congénitale : transposition des gros vaisseaux, retour veineux pulmonaire anormal, tétralogie de Fallot, coarctation aortique. Des antécédents familiaux peuvent également faire évoquer des troubles du rythme cardiaque ou une myocardiopathie.
MALAISE GRAVE APPAREMMENT ISOLE
Ce chapitre est dominé par deux diagnostics : le reflux gastro-sophagien et le malaise vagal. Dans ces deux cas, la gravité du malaise est sous-tendue par sa durée, avec la hantise d'une récidive conduisant à la mort subite. Se pose également le problème des associations thérapeutiques et leurs possibles effets secondaires.
Le reflux gastro-sophagien
Le reflux gastro-sophagien (RGO) est incriminé à l'origine du malaise en cas d'inhalation alimentaire avec toux et cyanose, ou de bradycardie réflexe avec pâleur chez un nourrisson régurgiteur. Le RGO pourra être confirmé par une pHmétrie s'il n'est pas évident cliniquement. La disparition des régurgitations et des malaises sous traitement médical antireflux confirmera la relation causale entre le RGO et les malaises. En cas de persistance des signes digestifs ou d'une amélioration seulement partielle, un transit so-gastro-duodénal recherchera une cause anatomique (malposition cardio-tubérositaire, voire hernie hiatale, dyskinésie antropylorique). Dans de rares cas, une chirurgie antireflux précoce peut être justifiée, en cas de malaises graves récidivants, mettant en jeu la vie de l'enfant et pour lesquels la responsabilité du RGO a pu être établie.
L'hypertonie vagale
Le diagnostic de malaise vagal est difficile même si l'on admet que 20 à 30 % des malaises du jeune nourrisson ont une médiation vagale. L'interrogatoire retrouve fréquemment des syncopes chez les ascendants. Chez le nourrisson, il est rare de mettre en évidence le facteur déclenchant : beaucoup d'arguments évoquent la responsabilité du reflux gastro-sophagien, mais d'autres stimulations digestives ont été incriminées : prise d'un biberon, de la température rectale, examen pharyngé, mise en place d'une sonde gastrique. Ce malaise est de gravité variable : perte de connaissance complète ou simple épisode de pâleur des lèvres et hypotonie de quelques secondes. Une phase d'hypertonie, un accès généralisé de cyanose, une apnée, voire des clonies évoquent un équivalent convulsif et sont trompeurs. Le monitorage cardiaque et le réflexe oculo-cardiaque sont des moyens simples et non invasifs visant à démontrer une hyperréactivité vagale en l'absence d'autre pathologie documentée. Il faut parfois savoir les refaire si le bilan est par ailleurs négatif. Il est préférable de traiter les enfants présentant une hyperréactivité vagale au cours des premiers mois de vie, surtout si celle-ci est familiale. Ce traitement repose sur le diphémanil sulfate (Prantal), traitement qui ne peut être commencé qu'en milieu hospitalier avec une surveillance électrocardiographique stricte à la recherche d'un allongement de l'espace QT. Le médecin traitant doit cependant connaître les risques potentiels de ce type de thérapeutique et devrait remettre à la famille une liste de médicaments dont la prescription est contre-indiqués.
CONCLUSION
Les malaises du nourrisson constituent une part importante de l'ensemble des consultations aux urgences. Il n'y a pas de petit malaise. Tout malaise doit être analysé très soigneusement et rigoureusement. Dans tous les cas, la prise en charge d'un malaise relève d'une pratique pédiatrique au quotidien fondée sur l'anamnèse et la séméiologie, évitant des investigations inutiles. La recherche attentive et la mise en évidence de signes de gravité éviteront l'issue fatale et des conséquences irréversibles. Chez le nourrisson, l'examinateur devra toujours craindre le risque de récidive et celui de mort subite inexpliquée du nourrisson. La prévention de ces récidives passe par une analyse séméiologique soigneuse, des conseils simples de puériculture, et parfois un traitement médicamenteux selon l'étiologie.
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