« Avant d'envisager le remplacement d'un gène ou la synthèse d'une protéine déficiente par thérapie cellulaire, il serait bon d'apprendre à diagnostiquer les maladies orphelines », explique le Pr Arnold Munnich, généticien. Il est vrai que les diagnostics tardifs, portés à l'issue d'un important nomadisme médical, sont fréquents. Il est également probable qu'un grand nombre de maladies rares demeurent non diagnostiquées, a fortiori dans les régions de France qui ne disposent pas d'expertise clinique, biologique et moléculaire. Les maladies orphelines, en raison de leur immense variété et de leur très faible incidence, compliquent toutes les étapes de la prise en charge médicale. S'il est déjà difficile d'identifier les malades, on comprend les problèmes d'effectifs posés pour valider un essai clinique et les difficultés à trouver des financements. L'existence de sources d'informations médiatiques (émissions de télévision...) et surtout l'accès à Internet font que les patients sont mis en contact avec le centre de référence sans passer par leur médecin. Le clinicien risque donc d'être exclu de la démarche diagnostique.
« En matière de traitement, l'écart entre les espoirs de thérapie génique et les résultats concrets obtenus est majeur. Comme l'a annoncé le Pr Alain Fischer (à l'origine du seul succès de remplacement génique chez des enfants immunodéprimés), la route est longue », affirme le Pr Munnich. Même remarque en matière de thérapies cellulaires, car un énorme effort est à fournir pour maîtriser les techniques de culture. Par conséquent, ce qui reste le plus accessible est le traitement du symptôme (et non de la cause) avec la pharmacopée traditionnelle.
Le rôle essentiel des gènes
Dans ce domaine, les progrès accomplis en matière de compréhension du rôle des gènes grâce à la génomique peuvent rendre utile un médicament jusqu'alors inexploité dans cette indication.
Par exemple, la découverte fortuite du rôle du gène que l'on savait depuis longtemps déficient dans la maladie de Friedreich a permis de guérir 75 % des myocardiopathies des enfants atteints d'affection auparavant létale. C'est, en effet, après avoir découvert que ce gène était impliqué dans la chaîne mitochondriale que la panoplie thérapeutique destinée à lutter contre les radicaux libres (prévention du vieillissement cérébral...) a été testée avec succès. Auparavant, aucun traitement ne pouvait améliorer cette ataxie progressive accompagnée de myocardiopathie hypertrophique.
Le syndrome de Smith-Magenis lié à une anomalie du chromosome 17 apporte un autre exemple de traitement symptomatique dicté par la compréhension de la fonction du gène déficient. « Quand les troubles du comportement avec automutilation, explique le Pr Munnich, les troubles majeurs du sommeil et le retard mental des enfants ont été expliqués par une inversion du rythme circadien de la sécrétion de mélatonine, un traitement a pu être proposé. Le blocage de la sécrétion diurne de mélatonine combinée à une administration nocturne de l'hormone permet aux enfants de retrouver le sommeil et réduit leurs difficultés relationnelles. »
La compréhension de la fonction d'un gène projette le scientifique dans un champ de connaissance non vierge qui peut le mettre sur la voie d'autres traitements symptomatiques, qu'il s'agisse de molécules déjà sur le marché ou de produits nouveaux issus de la chimie combinatoire (High Throughput Screening). « Mais on peut concevoir de nombreuses autres solutions thérapeutiques comme des traitements qui agiraient non pas sur le gène majeur, mais sur les gènes modificateurs. Dans ce cas, on transformerait une forme sévère en une forme modérée de la maladie. Pour l'instant, il faut poursuivre de manière acharnée les recherches pour l'optimisation des vecteurs en thérapie génique, de même que les recherches sur les thérapies cellulaires à partir de cellules souches hématopoïétiques », conclut le Pr Munnich.
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