De notre correspondante à New York
L E système ubiquitine-protéasome contrôle la qualité de la cellule en dégradant les protéines qui sont mal pliées, mal assemblées ou endommagées. Dans ce système, les protéines anormales sont fixées par des molécules d'ubiquitine. Les protéasomes de la cellule, des enzymes en forme de tonneau, reconnaissent alors ces protéines marquées par l'ubiquitine (ou ubiquitinées) et les détruisent.
Il a été suggéré, voilà plus de dix ans, l'existence d'un lien entre une dysfonction du système ubiquitine-protéasome et les maladies neurodégénératives. En effet, dans presque toutes ces affections, sporadiques ou héréditaires, il existe dans les neurones des dépôts de protéines agrégées associés à de nombreux conjugués d'ubiquitine. Récemment, ce lien s'est trouvé renforcé, en découvrant que des mutations dans des gènes du système ubiquitine-protéasome sont associées à des maladies neurodégénératives, comme par exemple la maladie de Parkinson précoce.
Il reste à savoir si les agrégats de protéines peuvent par eux-mêmes causer une neurotoxicité et quelle est la relation causale exacte entre les agrégats de protéines, le système ubiquitine-protéasome et la pathogenèse.
Un artifice astucieux
Pour en savoir plus, l'équipe de Kopito et coll. (Stanford University, Californie) a mis au point un artifice fort astucieux. Ces chercheurs ont créé une mutation dans le gène de la protéine fluorescente verte (GFP) qui a pour résultat la production de protéines fluorescentes instables. Lorsqu'ils insèrent ce gène GFP muté dans une cellule (des cellules rénales embryonnaires humaines à la place des neurones), si le système ubiquitine-protéasome fonctionne bien, il détruit ce marqueur et la cellule ne devient pas fluorescente. En revanche, si la cellule devient vert fluorescent, les chercheurs savent que le protéasome ne fonctionne pas. « Le niveau de fluorescence verte indique avec quelle efficacité le protéasome dégrade les protéines », précise dans un communiqué le Dr Bence, un membre de l'équipe.
A l'aide de ce marqueur, ils ont examiné l'effet des agrégats de protéines sur le fonctionnement du protéasome. Dans une première expérience, ils ont pris le gène huntingtine muté, responsable de la maladie de Huntington et produisant des agrégats de huntingtine dans les neurones, et l'ont inséré dans les cellules rénales équipées du marqueur. Dans une seconde expérience, ils ont inséré dans les cellules le gène CFTR muté, responsable de la mucoviscidose et produisant des agrégats de CFTR. Dans les deux expériences, les cellules se sont mises à briller de plus en plus vert, en quelques heures, et ce phénomène s'est accompagné de l'accumulation des agrégats de protéines à l'intérieur de la cellule.
« Le principal résultat de notre étude est que la fonction du protéasome peut être altérée par la présence des agrégats de protéines », déclare le Dr Kopito.
Le système ubiquitine-protéasome
Puisque le système ubiquitine-protéasome joue un rôle central dans la cellule en régulant par exemple la division cellulaire et l'apoptose, « nos données suggèrent un mécanisme possible liant les agrégats des protéines à la dysrégulation cellulaire et la mort cellulaire », notent les chercheurs.
« Notre étude montre que les agrégats protéiques peuvent affecter le protéasome et causer une toxicité », commente dans le communiqué le Dr Bence. C'est un cercle vicieux, remarque-t-il. « La maladie produit des protéines défectueuses qui s'agrègent. Les agrégats s'accumulent et interfèrent avec la fonction du protéasome, ce qui a pour résultat de produire encore plus d'agrégats qui altèrent davantage encore le protéasome ».
Dans la maladie d'Alzheimer, il existe aussi des agrégats de protéines dans les neurones, mais les plaques amyloïdes à l'extérieur des neurones ont reçu plus d'attention. « Il est possible, déclare le Dr Kopito, interrogé par une journaliste de « Science », qu'un système ubiquitine-protéasome surchargé ou un mécanisme similaire puisse permettre aux plaques de se former. » Il soupçonne aussi le rôle d'une surcharge du système ubiquitine-protéasome dans les maladies à prions, comme le nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. S'il en est ainsi, déclare le Dr Kopito, « ceci pourrait être une explication sur la façon dont ces mystérieuses maladies tuent les neurones ».
« Science », 25 mai 2001, pp. 1552 et 1467.
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