Vaccinations, chimioprophylaxie, trousse de médicaments avec notamment des antidiarrhéiques..., autant de témoins, s'il en fallait des craintes du voyageur de contracter une infection. Ces précautions classiques ne suffisent peut-être plus. D'autres risques infectieux menacent, dus à des agents pathogènes émergents. Et ce voyageur, qui craint tant pour lui-même, se comporte maintenant comme un redoutable vecteur.
Un bref retour quelques siècles en arrière rappelle que la rougeole, la tuberculose ou la variole ont été introduites dans le Nouveau Monde par les conquérants européens. Explorateurs victimes eux-mêmes de la fièvre jaune ou du paludisme. Plus récemment, entre 1815 et 1914, un auteur britannique, P. D. Curtin, évoque une mortalité par maladie double chez les soldats européens séjournant sous les tropiques par rapport à ceux restés sur notre continent.
Les voyages aériens
Pour en revenir à notre époque, un facteur récent prend une place prépondérante dans la dispersion mondiale des pathogènes : les voyages aériens. Par leur vitesse, le volume de passagers et les destinations, ils mènent d'un point du globe à un autre des sujets infectés, dans des délais inférieurs aux périodes d'incubation. L'actuelle épidémie de SRAS en est l'exemple le plus typique.
L'évocation des maladies émergentes porte en elle les images de virus exotiques ou lointains, tels qu'Ebola, Marburg ou de la fièvre de Lassa, explique Mary E. Wilson (Harvard, Etats-unis) dans le « Journal of Applied Microbiology ». Même si ce risque est réel dans plusieurs zones géographiques, la notion de maladie émergente peut inclure également l'encéphalopathie spongiforme bovine, la fièvre aphteuse, la grippe du poulet ou l'infection à virus du Nil occidental. Au-delà de ces affections dramatiques, il faut prendre en considération les agents pathogènes connus, mais soumis à quelques changements. Modification de territoire, comme pour la dengue ou le virus du Nil occidental ; modification d'incidence, pour le VIH, le BK ou Bordetella pertussis ; changement de virulence, avec, par exemple, des clones de Neisseiria meningitidis ; ou, enfin, apparition de résistances telles celles de M. tuberculosis, de S. pneumoniae, des salmonelles, du plasmodium ou de S. aureus. Nombre d'infections considérées comme nouvelles sont le fait d'agents mal définis ou non réputés pour contaminer l'humain. Peut-être faut-il y voir la responsabilité de l'homme, qui a pu s'introduire dans certains milieux ou modifier certains écosystèmes et favoriser des contacts avec ces agents pathogènes.
Aérogares, bus, trains, bateaux
Dans la plupart des cas, le voyageur focalise son attention sur le risque de sa destination. En réalité, il existe partout. Un voyage, c'est un circuit, qui comprend des attentes dans des aérogares, des transferts en bus, train, bateau. Un voyage par avion sous-entend des repas à bord avec la possibilité d'infections à shigelle, salmonelle, staphylocoque, voire vibrion cholérique. L'avion, c'est aussi un air recyclé, plutôt sec (10 à 20 % d'humidité). Les muqueuses respiratoires desséchées deviennent plus sensibles. Si le virus grippal semble bien banal, des cas de tuberculose, et peut-être de rougeole, ont été rapportés. Une croisière en bateau n'est pas forcément moins problématique : brassage de populations d'origines diverses, escales avec excursions locales (parfois en bus) et risques alimentaires peuvent être au programme. Une mini-épidémie de légionellose a été décrite, sur un paquebot, à la suite de bains dans un jacuzzi contaminé en 1996.
Dans son article du « Journal of Applied Microbiology », Mary Wilson attribue au voyageur trois rôles vis-à-vis des infections émergentes : sentinelle, coursier et disséminateur .
Coursier du matériel génétique
Parce que le risque infectieux diffère entre le touriste et l'autochtone, le premier peut fournir, à ses dépens, des informations sur les risques locaux. C'est la sentinelle. A titre d'exemple, le syndrome de Katayama, dû à une schistosomiase, n'est pas rencontré chez les locaux en zone infestée. Coursier, le voyageur ramène chez lui du matériel génétique microbien. Il ne reste plus aux chercheurs qu'à le séquencer, au lieu de se contenter d'une simple cartographie de l'infection. Une mission, involontaire, qui peut porter ses fruits dans l'étude, par exemple, de typhoïdes antibiorésistantes ou dans l'actualisation de la prophylaxie du paludisme. Disséminateur, enfin, avec l'exemple actuel du SRAS, où les voyageurs, porteurs sains, introduisent chez eux un agent pathogène ou des gènes de résistance. Cette introduction peut être silencieuse pour ne surgir que plusieurs mois plus tard.
Le risque infectieux, on le voit, existe à toute étape du voyage. Le touriste, au-delà de sa propre santé, peut se comporter comme un vecteur, disséminant autour de lui un agent infectieux parfois banal.
« Journal of Applied Microbiology » 2003, 94, 1S-11S ; World Tourism Organization, www. world-tourism.org ; OMS, www. who.int.
Les infections dans le collimateur de l'OMS
Outre une surveillance quotidienne du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), l'OMS exerce une veille épidémiologique sur :
- la maladie du charbon ;
- l'encéphalopathie spongiforme bovine ;
- le choléra et les diarrhées épidémiques ;
- les fièvres hémorragiques de Crimée-Congo, dengue et Ebola ;
- les hépatites ;
- la grippe ;
- la fièvre de Lassa ;
- les méningococcies ;
- la peste ;
- la fièvre de la vallée du Rift ;
- la variole ;
- la fièvre jaune.
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