De notre correspondante
à New York
« Les problèmes de transport [axonal] dans la maladie du motoneurone sont depuis longtemps le sujet de discussions, et cette découverte montre que dans un sous-type au moins de maladie héréditaire du neurone moteur, une perturbation du transport rétrograde est la cause de la maladie », explique au « Quotidien » le Dr Imke Puls, neurogénéticien au National Institute of Neurological Disorder and Stroke (NINDS, NIH, Bethesda), qui a dirigé ces travaux.
« Cette étude ajoute des données à l'appui de la recherche sur les questions de transport dans la maladie du motoneurone. Avec un peu de chance, d'autres familles seront identifiées avec des mutations dans des gènes similaires, ce qui nous donnera plus d'aperçus. Puisqu'un modèle chez la souris existe avec une mutation dans un gène apparente (dynamitine, la sous-unité p50 de la dynactine), des essais thérapeutiques peuvent être conduits plus tôt que d'habitude », ajoute-t-il. Lorsque les neurones moteurs, qui transmettent les instructions du cerveau aux muscles, sont endommagés, les muscles commencent à s'affaiblir et finissent par ne plus fonctionner.
Une forme autosomique dominante
Puls et coll. ont étudié une famille affectée d'une forme autosomique dominante d'une maladie du motoneurone inférieur. La maladie commence chez le jeune adulte par des difficultés respiratoires dues à une paralysie des cordes vocales. Puis survient une faiblesse faciale progressive et une faiblesse et une atrophie musculaire des mains. Une faiblesse et une atrophie musculaire des membres inférieurs se développe plus tard. « La maladie progresse lentement, et les patients ne terminent généralement pas en chaise roulante », précise le Dr Puls.
Puls et coll. ont conduit une étude de liaison génétique auprès des membres de la famille en examinant tout le génome. Ils ont trouvé une liaison de la maladie avec une région du chromosome 2p13. Or, dans cette région, réside le gène DCTN1 qui code pour la sous-unité p150 de la dynactine, une protéine de transport axonal rétrograde.
En analysant le gène DCTN1, les chercheurs ont découvert une mutation (G59S) chez tous les membres affectés, mais pas chez les membres sains, ni chez 200 témoins en bonne santé. La mutation survient dans le domaine de la sous-unité qui se lie aux microtubules et cette mutation déforme probablement ce domaine de fixation. Des tests de fixation aux microtubules confirment en effet une réduction de la fixation de la protéine mutée aux microtubules (86 % des protéines normales se fixent aux microtubules, contre seulement 50 % des protéines mutées).
La dynactine est indispensable pour le transport rétrograde (médié par la dynéine) des vésicules et des organelles le long des « rails » (microtubules) à l'intérieur du long prolongement de la cellule nerveuse. Il reste à savoir si la maladie est causée par la perturbation du transport d'un ou de plusieurs facteurs spécifiques, ou par un effet plus général.
« Maintenant, nous essayons de découvrir la physiopathologie de cette maladie », confie au « Quotidien » le Dr Puls. « Il est intéressant de noter qu'une protéine exprimée un peu partout, comme la dynactine, provoque une dégénérescence très définie d'un type cellulaire particulier », remarque-t-il. « Nous essayons d'étudier le mécanisme par lequel cela survient. »
Début tardif et progression lente
Les motoneurones primaires pourraient être particulièrement vulnérables aux troubles du transport axonal en raison de leur taille et de leur activité métabolique inhabituelles et de leur dépendance à des facteurs trophiques délivrés à partir de la périphérie. Il est à noter que la réduction très limitée de l'affinité de la protéine mutée pour les microtubules concorde bien avec le début tardif et la progression relativement lente de la maladie dans cette famille. Mais une mutation qui inhiberait de façon plus sévère la fixation de la dynactine aux microtubules devrait résulter en une dégénérescence plus prononcée des motoneurones.
« D'autres membres du complexe dynactine-dynéine pourraient maintenant être envisagés comme des candidats perturbés dans d'autres troubles héréditaires ou sporadiques avec dégénérescence du neurone moteur », concluent les chercheurs.
« Nature Genetics », 10 mars 2003, http : //www.nature.com/naturegenetics, DOI : 10.1038/ng1123
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