On sait que, dans les greffes de cellules souches hématopoïétiques, les cellules T matures du greffon peuvent induire une réaction à l'origine de la maladie du greffon contre l'hôte (GVHD pour Graft Versus Host Disease) ; un risque majoré en cas d'incompatibilité entre le donneur et le receveur. On sait aussi que certains gènes peuvent moduler le succès de la greffe en modulant l'intensité de la réponse inflammatoire associée à la réaction allo-immune.
Il fallait préciser le rôle de certaines cytokines et d'autres régulateurs de la réponse immunitaire dans la pathogenèse de la GVHD. Ming-Tseh Lin et coll. ont étudié le polymorphisme du gène de cinq cytokines : IL1ß, IL1RA (antagoniste du récepteur de l'IL1), IL6, IL10 et TNF alpha ; cela, dans une cohorte de 570 couples receveur/donneur apparentés ; puis, sur une deuxième cohorte de 423 receveurs, ils ont analysé les associations génotypiques trouvés dans la première.
Résultat : il existe un effet protecteur d'un allèle du gène de l'IL10 : par rapport au génotype C/C, le génotype 592A/A est associé à une réduction du risque de de GVHD aiguë de grade III ou IV. Ce génotype est, on le sait, associé à une production accrue d'IL10.
Comment pourrait agir l'IL10 ? Elle est un puissant suppresseur de la production de TNF alpha, IL1 alpha et bêta, IL6, IL12 et INF gamma, et pourrait donc faciliter l'induction d'une tolérance.
L'administration d'IL10 exogène chez la souris a des effets variables : de fortes doses favorisent la GVHD, tandis que de faibles doses sont protectrices.
Des études cliniques suggèrent que des taux élevés d'IL10 endogène peuvent être associés à une tolérance immunologique. D'ailleurs, Hollet et coll. ont remarqué que des taux élevés d'IL10 endogène avant transplantation sont associés à une réduction du risque de GVHD. De plus, l'exemple des Japonais est édifiant : ils ont un moindre risque de GVHD ; or, la fréquence de l'allèle IL10-592A est, chez eux, de 67 % contre 23 et 24 % dans deux populations blanches.
Les pratiques pourraient changer
Quoi qu'il en soit, les résultats de ce travail « pourraient changer les pratiques cliniques », estiment deux éditorialistes (Kenneth Cooke et James Ferrara). « Même si ces données doivent être validées sur un plus grand nombre de patients, nous pensons qu'elles sont en faveur de l'inclusion du génotypage de l'IL10 dans l'évaluation des patients candidats à la greffe avec donneur apparenté HLA identique. » Par exemple, un patient atteint d'une LMA et ayant un profil IL10 favorable pourra souhaiter avoir une greffe avec donneur apparenté au cours de la première période de rémission complète plutôt qu'attendre une possible rechute.
Ce génotype « favorable » de l'IL10 pourrait comporter un revers de médaille : la GVHD est étroitement associée à un effet bénéfique « greffon contre leucémie » ; si l'IL10 induit une tolérance, les cellules T pourraient ne pas éradiquer le cancer résiduel.
Enfin, les éditorialistes soulignent le fait que l'étude n'a pas porté sur des greffes avec donneurs non apparentés, dans lesquelles le risque de GVHD est plus important.
«New England Journal of Medicine » du 4 décembre 2003, pp. 2201-2210 et 2183-2184.
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