REFERENCE
Métabolisme du cuivre
Conséquence d'une erreur congénitale portant sur le métabolisme du cuivre, la maladie de Wilson se transmet sur le mode autosomique récessif. On retrouve dans cette maladie une atteinte du transport intra-hépatique du cuivre vers la bile, aboutissant à un stockage dans l'hépatocyte, puis à une nécrose et à une fibrose. La nécrose conduit à la libération extra-hépatique du cuivre dans le sang (augmentation de la cuprémie responsable d'une hémolyse et de la cupriurie), puis à la captation du cuivre dans les différents tissus (cerveau, cornée, reins) qui sont lésés à leur tour.
Phase asymptomatique
L'histoire naturelle de la maladie est habituellement schématique. Dans les premières années de la vie, il existe une phase asymptomatique liée à l'accumulation progressive de cuivre dans le foie. A partir de 5-6 ans succède une deuxième phase caractérisée par une atteinte hépatique prédominante. L'atteinte des autres tissus, en particulier celle de l'il et du système nerveux, n'apparaît qu'ultérieurement (7-10 ans), mais de nombreuses variations, y compris dans la même famille, existent.
Une atteinte hépatique qui ne fait pas sa preuve
Chez l'enfant de 5-6 ans qui a une atteinte hépatique qui ne fait pas sa preuve sur le plan de sa cause, le praticien doit savoir penser à la maladie de Wilson. Cette atteinte hépatique peut essentiellement se présenter sous trois formes : tableau d'hépatite aiguë apparemment banale, tableau d'hépatite chronique active, ou tableau de cirrhose. Toute hypertransaminémie qui se prolonge plus de trois mois doit faire rechercher une maladie de Wilson. Les arguments diagnostiques doivent alors être recherchés. Il existe des arguments indirects : notion de consanguinité parentale, antécédent familial d'atteinte hépatique parfois mortelle.
Anneau de Kayser-Fleisher
Devant un enfant plus âgé, on recherche des signes oculaires (présence d'un anneau vert de Kayser-Fleisher dû au dépôt de cuivre dans la membrane de Descemet, vu seulement à la lampe à fente à cet âge) ; des signes neurologiques (à partir de 10 ans), très discrets au début (dysgraphie, puis tremblements, mimique pauvre). Une circonstance particulière, très rare, est pathognomonique. C'est le tableau d'hépatite gravissime, accompagnée d'hémolyse. Dans ce cas, le diagnostic doit être fait de toute urgence car se discute la nécessité d'une transplantation hépatique.
L'étude du métabolisme du cuivre comporte une batterie de tests d'inégale valeur, dont les résultats nécessitent une analyse critique. Il existe des chevauchements entre les valeurs normales et pathologiques du cuivre rendant l'interprétation parfois difficile.
Céruloplasmine
La concentration de la céruloplasmine dans le sang (normalement égale ou supérieure à 200 mg/l) est habituellement très abaissée ou parfois nulle. A l'inverse, une concentration supérieure à 300 mg/l permet d'écarter pratiquement le diagnostic de maladie de Wilson.
L'excrétion urinaire du cuivre traduit la présence en excès de cuivre dans le sang, elle peut être un bon argument si elle est supérieure à 100 μg/24 heures, mais elle ne signe pas la maladie. Ce test peut être sensibilisé par l'administration d'une dose unique de D. pénicillamine.
Le dosage du cuivre hépatique permet d'affirmer le diagnostic si la concentration de ce dernier est supérieure à 250 μg/g de foie sec, en l'absence de cholestase.
Ponction du foie
La ponction du foie montre habituellement des signes qui, pris isolément, ne sont pas spécifiques, mais dont l'association permet d'évoquer une maladie métabolique. L'existence de nombreux noyaux hépatocytaires d'aspect vacuolaire serait évocatrice d'une maladie de Wilson.
L'étude cinétique du cuivre radioactif est intéressante dans le cas où la céruloplasminémie est normale et où l'hésitation diagnostique persiste. De plus, cet examen présente un intérêt lors de la recherche dans la fratrie de sujets normaux hétéro- ou homozygotes. L'inconvénient de cette étude est qu'elle n'est réalisable que dans de rares centres.
Mutations
Enfin, la recherche de la ou des mutations du gène responsables de la maladie est particulièrement intéressante et a transformé le diagnostic de la maladie de Wilson. Néanmoins, elle ne permet pas de diagnostic rapide en cas d'insuffisance hépatocellulaire gravissime qui nécessite un traitement d'urgence.
Réduire le stock de cuivre
L'objectif du traitement est de diminuer le stock global de cuivre dans l'organisme. Le médicament le plus utilisé chez l'enfant est la D. pénicillamine qui majore l'excrétion urinaire du cuivre. Il est administré par voie buccale à la dose initiale quotidienne de 300 mg pour atteindre en général 900 mg en quelques semaines. Le traitement doit être poursuivi à vie, la dose pouvant être portée à 1 200 mg chez l'adolescent. Quelques réactions allergiques peuvent être observées, nécessitant un arrêt, puis une réintroduction progressive du traitement, sous corticoïdes. La D. pénicillamine sera arrêtée en début de grossesse car il existe des effets tératogènes. La trientine, qui entraîne une augmentation de la cupriurie, sera administrée par voie orale à la dose quotidienne de 1 à 2 g. Elle est utilisée en cas d'intolérance ou de contre-indication au traitement par la D. pénicillamine. Les sels de zinc peuvent être prescrits mais sont moins efficaces. Les thiomolybdates ont une efficacité incontestable mais qui est contrebalancée par leur action sur le développement osseux, contre-indiquant leur prescription chez l'enfant.
Régime
Enfin, la réduction des apports alimentaires en cuivre est légitime, du moins pendant la première phase de traitement. On exclut habituellement les abats, la viande de cheval, le gibier, les crustacés et les coquillages, les champignons, les fruits et les légumes secs, le chocolat.
Pronostic
L'amélioration sous traitement confirme l'intérêt de celui-ci. Cette amélioration est lente (de un à deux ans). Une fois constituée, la cirrhose est irréversible, mais son évolution peut être stabilisée. L'évolution, en cas d'atteinte hépatique suraiguë, est souvent fatale en dépit de la mise en place du traitement. Cependant, un certain nombre d'observations récentes montrent que l'évolution peut être favorablement influencée si le traitement est entrepris très précocement. L'atteinte oculaire disparaît habituellement en un à deux ans. L'atteinte neurologique, habituellement modérée chez l'enfant, est également influencée par le traitement. Les indications d'une transplantation hépatique sont difficiles à préciser. Elle doit être envisagée chez les malades présentant une insuffisance hépatique suraiguë et ce de manière urgente. Une bonne indication est également la cirrhose qui ne s'améliore pas après quelques mois d'un traitement chélateur bien conduit et bien pris. Il faut rappeler que la greffe d'un foie normal permet d'interrompre toute surveillance du métabolisme cuprique.
La fratrie
L'ensemble du traitement proposé dans la maladie de Wilson n'est pas de mise chez les sujets hétérozygotes dépistés dans la fratrie. Il est d'ailleurs, à ce sujet, important de rappeler la nécessité de l'étude par biologie moléculaire de toute fratrie d'un nouveau malade présentant une maladie de Wilson. Cette recherche facile, fiable, permet de dépister les sujets atteints homozygotes au stade présymptomatique. Un traitement précoce avant l'âge de 4 à 5 ans peut alors être entrepris par la D. pénicillamine avec toutes les chances de succès.
Propos recueillis auprès du Pr Michel Odièvre (professeur honoraire de pédiatrie à la faculté de médecine Paris-Sud, médecin des Hôpitaux de Paris, hôpital Antoine-Béclère, Clamart).
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