Aorto-artérite non spécifique

Maladie de Takayasu : un suivi clinique et paraclinique rapproché

Publié le 28/11/2007
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Deux phases

La maladie évolue classiquement en deux phases : la phase préocclusive, qui peut durer plusieurs mois (asthénie, fièvre, arthromyalgies, épanchement pleural ou péricardique, érythème noueux, uvéite ou sclérite...), suivie d'une phase occlusive qui survient en moyenne de six à sept ans plus tard et qui, parfois, évolue d'un seul tenant, donnant à des degrés divers des signes rassemblés dans le tableau 1.

Lorsque le diagnostic de maladie de Takayasu est établi, le traitement fait appel le plus souvent à une corticothérapie parfois associée à un immunosuppresseur (méthotrexate, azathioprine...). Des gestes de revascularisation sont parfois nécessaires en cas de sténose artérielle serrée et symptomatique. Le suivi d'un patient atteint de maladie de Takayasu et devra prendre en compte le traitement et ses effets indésirables potentiels, sans oublier la survenue possible au cours du temps de pathologies associées. Au cours de la maladie de Takayasu, mais parfois avant ses premiers signes, une autre maladie auto-immune ou systémique peut s'associer comme une spondylarthrite ankylosante, une maladie inflammatoire chronique de l'intestin, plus rarement une sarcoïdose, un lupus érythémateux systémique ou une sclérodermie systémique.

Suivi clinique

Chaque consultation doit comporter les étapes suivantes :

– évaluation clinique ;

– inventaire des souffles vasculaires (sous-claviers et carotidiens, digestifs, lombaires) ;

– contrôle de la pression artérielle aux deux bras ; si sténose bilatérale des artères sous-clavières, contrôle de la pression artérielle aux membres inférieurs ;

– en cas d'HTA, adapter le traitement antihypertenseur, s'assurer de l'absence de sténose d'artère rénale ;

– en cas d'atteinte des artères pulmonaires (environ une fois sur deux), rechercher la survenue d'une dyspnée progressive qui peut être l'élément révélateur d'une hypertension artérielle pulmonaire ;

– en cas d'atteinte carotidienne, rechercher des événements cliniques qui pourraient faire évoquer un accident ischémique transitoire.

Le syndrome inflammatoire est-il contrôlé ?

Lorsque existe avant traitement un syndrome inflammatoire (plus d'une fois sur deux), la VS et la CRP constituent deux paramètres biologiques précieux pour l'adaptation thérapeutique. La normalisation de la CRP confirme habituellement le bon contrôle de la maladie. Toute réascension de ce paramètre après une période de normalisation constitue un marqueur de réévolutivité de la maladie en l'absence de cause intercurrente.

Exploration vasculaire non invasive

Tous les six à douze mois – selon le type d'atteinte vasculaire et sa sévérité – doivent être réalisées des explorations vasculaires non invasives afin de s'assurer de l'absence de progression de sténose vasculaire, de l'absence de survenue d'ectasie vasculaire et afin de surveiller l'épaississement de la paroi artérielle constamment retrouvé dans la maladie de Takayasu. Cet épaississement est le reflet d'un infiltrat cellulaire inflammatoire, la maladie de Takayasu est une panartérite qui prédomine dans la média et l'adventice.

– L'écho-Doppler artériel permet la surveillance des lésions artérielles carotidiennes et sous-clavières, les artères rénales et digestives chez des patients échogènes et minces.

– L'angioscanner et l'angio-MR permettent un suivi précis des lésions moins accessibles ou non accessibles à l'écho-Doppler, de l'aorte, des branches artérielles digestives, des artères rénales.

– La scintigraphie pulmonaire de ventilation-perfusion est plus utile au bilan initial de la maladie qu'au cours du suivi. En cas d'atteinte des artères pulmonaires, la surveillance écho-Doppler cardiaque annuelle permettra de s'assurer de l'absence de survenue de signes d'hypertension artérielle pulmonaire.

– La tomographie par émission de protons au 18FDG est pour l'instant encore en cours d'évaluation dans les artérites inflammatoires des gros troncs. Il s'agit d'une technique qui paraît prometteuse. Lorsque la maladie de Takayasu est active, on retrouve une hyperfixation de la paroi de l'aorte et de ses principales branches touchées par la maladie. Il ne s'agit cependant pas encore d'une technique de routine, et sa pertinence dans le suivi de la maladie doit encore être validée.

En dehors de la surveillance de la maladie de Takayasu elle-même, une évaluation régulière du traitement et de ses conséquences est nécessaire:

– corticothérapie : bilan glucidique et lipidique, surveillance de la pression artérielle du poids, surveillance de la densitométrie osseuse, contrôle annuel de la tension oculaire et de l'état du cristallin… ;

– conséquences liées aux traitements immunosuppresseurs : inventaire des épisodes infectieux, vaccination antipneumococcique, contrôle régulier de la numération formule sanguine et particulièrement de la formule leucocytaire, surveillance hépatique si traitement par méthotrexate ou azathioprine…

La meilleure connaissance de la maladie de Takayasu, l'amélioration de sa prise en charge, le partenariat indispensable entre le médecin de famille et le médecin hospitalier référent pour la maladie permettent aujourd'hui d'obtenir une survie à cinq ans supérieure à 90 %.

Critères diagnostiques d'Ishikawa modifiés par Sharma en 1996

Trois critères majeurs

1) Sténose ou occlusion de la portion moyenne de l'artère sous-clavière gauche en artériographie.

2) Sténose ou occlusion de la portion moyenne de l'artère sous-clavière droite en artériographie.

3) Symptômes caractéristiques d'une durée d'au moins un mois : claudication, abolition d'un pouls ou asymétrie tensionnelle, fièvre, cervicalgies, amaurose, troubles visuels, syncope, dyspnée, palpitations.

Dix critères mineurs

1) VS > 20 mm/H.

2) Sensibilité des artères carotides à la palpation.

3) PA brachiale > 140/90 mmHg ou PA poplitée > 160/90 mmHg.

4) Insuffisance aortique ou dilatation de l'anneau aortique.

5) Lésion des artères pulmonaires.

6) Sténose ou occlusion de la portion moyenne de la carotide gauche en artériographie.

7) Sténose ou occlusion du tiers distal du tronc brachio-céphalique en artériographie.

8) Lésion de l'aorte thoracique descendante en artériographie.

9) Lésion de l'aorte abdominale en artériographie.

10) Lésion coronarienne avant 30 ans en l'absence de dyslipidémie ou diabète.

La présence de deux critères majeurs ou d'un critère majeur+deux mineurs ou de quatre critères mineurs suggère une forte probabilité de maladie de Takayasu (sensibilité 92,5%, spécificité 95%).

> Pr ERIC HACHULLA Centre de référence des maladies auto-immunes et des maladies systémiques rares, service de médecine interne, hôpital Claude-Huriez, université de Lille-II, 59037 Lille Cedex.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8267