« Nous détenons peut être un récepteur et nous sommes en bonne situation pour identifier un ligand », explique le Pr Gilles Thomas qui a dirigé l'équipe de l'INSERM à l'origine de la découverte d'anomalies géniques conférant une susceptibilité à la maladie de Crohn. Trois mutations portant sur le gène NOD2, impliqué dans la reconnaissance des agents pathogènes et la réponse immunitaire adaptée, ont été trouvées dans des familles où plusieurs membres sont atteints. Il a été montré que le gène NOD2 active un facteur nucléaire NF-kappaB, en relation avec la réactivité à des lipopolylysaccharides bactériens.
« L'une de nos voies de recherche est maintenant descriptive : il s'agit de savoir si les différentes mutations sont associées à des formes différentes de la maladie (maladie plus précoce, plus agressive, par exemple) », indique le Pr Thomas. Pour cela, les chercheurs essaient de mettre en place des tests fonctionnels. Par ailleurs, ils s'efforcent de mettre au point un modèle animal de maladie de Crohn en introduisant chez la souris la mutation observée chez l'homme.
En comparant les séquences de la protéine codée par le gène normal avec les séquences contenues dans une base de données, trois domaines fonctionnels du gène NOD2 ont été identifiés. Ce gène apparaît composé de deux domaines CARD de recrutement de caspases (enzymes impliquées dans l'apoptose), d'un élément de régulation NBD (Nucleoide Binding Domain) et d'une région LRR (Leucin Rich Repeat). NBD est important pour la dimérisation de la molécule, donc pour sa fonction. La présence d'un LRR à la place N-terminale suggère qu'il pourrait intervenir en tant que récepteur d'un ligand.
« Ce qui indique une hypothèse d'explication physiopathologique à l'origine de la MC », explique le Pr Thomas.
Ainsi, les expériences fonctionnelles de l'équipe de Gabriel Munez indiquent que ces terminaisons pourraient constituer des récepteurs des lipopolysaccharides bactériens (notamment des mycobactéries), ce qui donnerait une explication à la fonction de la protéine normale et au mécanisme par lequel sa mutation deviendrait pathogène.
On peut imaginer que certains déterminants bactériens pourraient interagir avec les LRR pour entraîner une dimérisation et une activation du récepteur nucléaire NF-kappa B, le mutant étant dépossédé de cette aptitude.
Une anomalie de l'apoptose fait aussi partie des hypothèses avancées. L'apoptose des cellules inflammatoires ne surviendrait pas après la réponse immunitaire induite au niveau du côlon. Ce qui l'a provoqué a disparu, mais les cellules inflammatoires se maintiennent en survie et la réponse ne se calme pas.
Ces observations peuvent conduire vers une identification de cibles pharmacologiques. Ainsi, on peut tenter de trouver des molécules qui interfèrent avec les protéines mutées pour restaurer la fonction déficiente. Certaines sociétés travaillent actuellement sur ces aspects.
Entretien avec le Pr Gilles Thomas (CEPH, fondation Jean-Dausset, Paris).
« Nature » vol. 411, 31 mai 2001, pp. 599-603.
Une étude rétrospective pour décrire la maladie
Pour avoir une description rigoureuse des pathologies en fonction des génotypes observés, ce qui permettrait d'adapter les stratégies de prise en charge, une étude va bientôt commencer chez une population de 1 500 personnes atteintes de la maladie de Crohn, dont quelques centaines d'enfants.
Sous la direction du Pr Gilles Thomas, cette étude rétrospective pluricentrique et pluridisciplinaire va impliquer des pédiatres et des gastro-entérologues.
Des descriptions cliniques détaillées sur l'évolution, l'intensité de la maladie et les réponses aux traitements vont être collectées (plus de 200 items) en parallèle à un génotypage (réalisé à l'hôpital Saint-Antoine).
Le recrutement devrait durer dix-huit mois et il est prévu que les résultats seront disponibles trois ans plus tard.
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