Maladie de Crohn : des Français précisent la nature du lien avec une souche d'E. coli

Publié le 04/02/2002
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Le complexe majeur d'histocompatibilité (MHC) est impliqué dans la réponse immune à un agent pathogène. Les peptides de l'antigène sont présentés aux récepteurs des lymphocytes T (alpha, bêta TCR, récepteur cellulaire T) grâce à des molécules codées par des gènes du MHC. Outre les molécules HLA de classe I codées par les gènes du MHC, ont été décrits des gènes MIC (MHC Class I Chain Related Genes) qui comportent cinq locus (A à E) polyalléliques (polymorphes). Un des ligands connus de la molécule MICA est le NKG2D, récepteur (lectine like) présents à la surface des cellules T gamma delta, CD8+ alpha ß, et les cellules tueuses naturelles (NK) impliquées dans l'immunité innée. Ces molécules sont exprimées dans des conditions de stress cellulaire, en particulier dans des conditions de choc thermique ou d'infection par des agents pathogènes. Récemment, on a montré que les MICA étaient augmentées lors d'infections à cytomégalovirus et à Mycobacteriumtuberculosis. On sait, par ailleurs que les MICA sont normalement distribuées dans les cellules épithéliales du tube digestif, mais aucune étude n'avait mis en évidence leur rôle lors des infections par les entérobactéries, telles Escherichia coli.

Dans l'étude présentée par les Français, les chercheurs ont utilisé une souche particulière E. coli, la souche DAEC. Cette souche a la particularité d'adhérer aux cellules épithéliales grâce à une adhésine spécifique (AfaE), dont le récepteur situé sur les cellules épithéliales est le CD55 (connu comme facteur DAF : Decay Accelerator Factor).
L'interaction CD55-AfaE déclenche une augmentation de l'expression des molécules MICA au niveau des cellules épithéliales. De plus, la liaison des MICA avec le NKG2D des cellules NK induit une réponse immune médiée par l'interféron gamma (IFN gamma).

Comprendre certaines maladies auto-immunes

« Nous avons ainsi mis en évidence une nouvelle fonction des molécules MICA dans la réponse immune innée contre les bactéries et un nouveau rôle du CD55 différent de celui qu'il joue dans la régulation du complément », indiquent les auteurs.
Leurs résultats ont été obtenus sur des lignées cellulaires HeLa (homozygotes pour MICA*088) et Caco-2 (MICA*033), provenant respectivement d'un carcinome du col et d'un adénocarcinome colo-rectal. Certaines cellules ont été infectées soit par une souche de salmonelles ( Salmonella typhimurium), soit par E. coli A30, soit par Shigella flexneri, et comparées à des cellules non infectées. Seule E. coli a induit une augmentation de l'expression des molécules MICA sur les surfaces cellulaires. L'augmentation la plus importante a été obtenue avec les souches d' E. coli exprimant le polymorphisme AfaE-III.
« Ces données peuvent aider à mieux comprendre la pathogénie de certaines maladies auto-immunes dans lesquelles les infections bactériennes sont en cause, comme dans la maladie de Crohn. »

Les MICA de l'épithélium intestinal

En effet, cette souche E. coli a été isolée et décrite dans les lésions iléales de patients atteints de maladie de Crohn. Les auteurs ont mesuré par immunohistochimie les MICA de l'épithélium intestinal de 18 patients ayant une maladie de Crohn, comparés à 6 patients contrôles. Dans le groupe contrôle, les MICA étaient faiblement exprimées et leur expression limitée à la partie basale des cellules glandulaires épithéliales. Dans le groupe malade, une importante activité des MICA a été constamment retrouvée et largement étendue sur toute la surface épithéliale et dans la profondeur des cryptes glandulaires.

V. Tieng et coll. (travail coordonné par Antoine Toubert). (INSERM U396, et laboratoire EA 2378, hôpital Saint-Louis ; Institut Pasteur, Paris ; INSERM 0114, Lille). « Proc Natl Acad Sci USA », édition on line.
Travail réalisé dans le cadre du Programme de recherche fondamentale en microbiologie et maladies infectieuses et parasitaires, à l'initiative des ministères de l'Education Nationale, de la Recherche et de la Technologie, en association avec l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

Dr Lydia ARCHIMÈDE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7059