Maladie d'Alzheimer : agir aussi sur les récepteurs nicotiniques

Publié le 20/09/2001
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Le Dr Michel Bourin a rappelé que plusieurs travaux montrent que les récepteurs nicotiniques sont impliqués dans des fonctions cognitives complexes et variées comme l'attention, l'apprentissage, la consolidation de la mémoire, l'éveil et la perception sensorielle, mais aussi le contrôle de l'activité locomotrice, la perception de la douleur et de la température corporelle. En outre, on a bien démontré aujourd'hui que la perte des récepteurs nicotiniques est corrélée avec la sévérité de la maladie d'Alzheimer. Ces récepteurs qui appartiennent à la famille des récepteurs canaux sont constitués de cinq sous-unités protéiques organisées autour d'un pseudo-axe de symétrie. Plusieurs sous-types existent, mais, malgré une grande hétérogénéité, on peut individualiser trois familles : les récepteurs de la jonction neuro-musculaire, les récepteurs centraux et les récepteurs plus spécifiques de l'alpha-bungarotoxine. En pathologie cérébrale, on s'intéresse aux récepteurs nicotiniques présents au niveau présynaptique et au niveau postsynaptique, dans plusieurs aires corticales, mais aussi dans les gros noyaux centraux, le thalamus, l'hippocampe et le cervelet.

La coexistence de deux propriétés pharmacologiques

Jusqu'à présent, la seule approche utilisée pour traiter le déficit cholinergique qui caractérise la maladie d'Alzheimer correspondait à l'utilisation des anticholinestérasiques qui, en diminuant le métabolisme de l'acétylcholine dans les synapses, permet d'activer un plus grand nombre de récepteurs muscariniques et nicotiniques. L'arrivée de la galantamine marque la mise en œuvre d'une nouvelle approche visant à moduler l'activité des sous-types de récepteurs par des ligands allostériques en permettant, en l'occurrence, à chaque molécule d'acétylcholine de mieux se fixer sur les sous-unités alpha du récepteur nicotinique et, quand le récepteur stimulé est présynaptique, de faciliter la libération d'acétylcholine.
Parmi les modulateurs allostériques des récepteurs nicotiniques, la galantamine est la seule qui soit également inhibitrice des cholinestérases, la coexistence de ces deux propriétés pharmacologiques étant intéressante dans la maladie d'Alzheimer dans la mesure où le traitement a deux cibles potentielles, le déficit cholinergique cérébral, mais aussi la diminution de la sensibilité des récepteurs nicotiniques. Il sera intéressant de voir dans l'avenir si la galantamine induit une augmentation du nombre de récepteurs exprimés et une diminution de la vitesse de neurodégénération. Mais en attendant ces avancées physiopathologiques, le dossier clinique de Reminyl présenté par le Dr Christophe Tessier (Janssen-Cilag) montre tout l'intérêt du produit.
Ce dossier porte globalement sur plus de 3 200 dossiers et, outre les items systématiquement évalués dans la maladie d'Alzheimer (cognitions, autonomie et impressions cliniques globales), le dossier clinique de Reminyl s'est intéressé, dans chaque étude, à l'évaluation d'un item spécifique et original : suivi à long terme, charge de l'accompagnant, troubles psychocomportementaux et qualité du sommeil, paramètres qui ont tous un fort impact sur la qualité de vie du patient, mais aussi de son entourage. Ce développement clinique original a été effectué dans des formes légères à modérément sévères de la maladie avec un score MMSE compris entre 10 et 24 et un score ADAS-cog généralement supérieur ou égal à 12. Une analyse étude par étude montre tout d'abord une efficacité clinique sur les fonctions cognitives (mémorisation, apprentissage, orientation, etc.), celles-ci étant préservées pendant douze mois au minimum. Les données très récentes confirment le maintien du bénéfice cognitif à vingt-quatre mois, avec une bonne sécurité d'emploi. En outre, chez les patients ayant reçu du placebo pendant la phase du double aveugle, c'est-à-dire pendant les six premiers mois, la mise sous Reminyl permet une amélioration des fonctions cognitives qui reste toutefois moins spectaculaire que lorsque le traitement a été initié précocement. Autrement dit, il y a intérêt à prescrire Reminyl quand le stock de récepteurs nicotiniques n'est pas trop détruit sous l'effet de l'aggravation de la maladie.
Une autre étude réalisée sur cinq mois en double aveugle contre placebo met en évidence une amélioration significative du score CIBIC-Plus qui explore la perception de l'état clinique par le patient et par l'accompagnant (p < 0,01), une augmentation du maintien de l'économie, sans différence par rapport à l'état initial (p < 0,001), et, enfin, une apparition retardée des troubles psychocomportementaux d'au moins cinq mois aux posologies de 16 et 24 mg/jour, ces résultats étant naturellement significatifs par rapport à ceux obtenus sous placebo.

Une tolérance acceptable

La plupart des effets indésirables sont de type cholinergique, apparaissant généralement à l'initiation du traitement et lors de l'augmentation des posologies. Il reste d'intensité légère à modérée, disparaissant progressivement, dans la plupart des cas. D'ailleurs le taux de sortie d'essai pour événements indésirables dans les groupes à 8 et 16 mg/jour est identique à celui observé sous placebo. La posologie de 16 mg/jour apporte le meilleur rapport efficacité/tolérance, objectif thérapeutique qu'il faudra atteindre en deux temps : d'abord 8 mg/jour (2 x 4 mg) pendant quatre semaines, avant d'atteindre la dose optimale. La recherche d'un effet supplémentaire autorise le passage à 24 mg/jour.

Conférence de presse organisée par les Laboratoires Janssen-Cilag.

Diminuer la charge de l'aidant

On ne soulignera jamais assez le fardeau que représente la maladie d'Alzheimer pour l'entourage et plus particulièrement pour l'aidant principal. A la détresse psycho-émotionnelle s'ajoutent de nombreuses contraintes, de multiples tâches à accomplir et, in fine, une limitation progressive de toute vie sociale. Le développement clinique de Reminyl a comporté l'évaluation de l'effet du produit sur la charge de l'accompagnant dans le cadre d'une étude multicentrique randomisée en double aveugle contre placebo sur une période de six mois. Un questionnaire proposé à l'entourage permettait d'évaluer le temps passé à surveiller et à aider les patients : on constate ainsi que, au terme de l'essai, le traitement actif entraîne un gain de temps d'une heure vingt pour la surveillance et d'une heure pour les gestes d'assistance, chaque jour (Wilcock et coll., « BMJ », 2000 ; 321 : 1445-1449).
Un progrès important qu'il faut rapprocher de l'effet du produit sur les troubles comportementaux et l'autonomie du patient.

Dr Alain MARIE Dr A. M.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6972