Les facteurs de risque de la maladie coronaire sont bien connus. On sait que le style de vie influe sur le risque de survenue d'un accident cardio-vasculaire : le risque peut-être considérablement diminué par l'arrêt du tabac, le contrôle du taux de cholestérol et de la pression artérielle. On sait aussi que ce risque s'élève avec la pauvreté. Certains, comme DJP Baker (Helsinki, Finlande), pensent que ce risque est déterminé dès la phase de développement intra-utérin.
L'étude qu'il publie dans le « British Medical Journal » montre qu'une croissance ralentie dès avant la naissance permettait de mettre en évidence des facteurs biologiques prédisposants qui expliqueraient la vulnérabilité au risque cardio-vasculaire dans des conditions socio-économiques difficiles.
Cette étude longitudinale a concerné 3 676 hommes nés entre 1934 et 1944 à l'hôpital universitaire central d'Helsinki, puis suivis dans un centre de PMI et pour lesquels on avait des données concernant la taille et le poids à la naissance, la courbe de croissance dans l'enfance et des données socio-économiques, tels l'origine sociale, le niveau d'éducation atteint et les revenus à l'âge adulte. Ils ont résidé en Finlande jusqu'en 1971, ou ont participé au recensement effectué en 1980.
Parmi ces 3 676 hommes, 258 ont eu une maladie coronaire : 234 ont été hospitalisés (22 sont décédés) et 51 sont morts sans avoir été hospitalisés.
Associée à un niveau socio-économique bas
L'analyse des résultats montre que le risque de survenue d'une maladie coronaire associée à un niveau socio-économique bas et un faible revenu est plus élevé chez ceux qui ont un petit poids à la naissance (index pondéral <26 kg/m3). Le risque le plus élevé a été observé lorsque ce faible poids à la naissance a été suivi par une accélération de la croissance entre la première et la douzième année, chez des hommes de niveau de vie peu élevé à l'âge adulte. Un poids normal à la naissance permettrait donc de mieux résister aux conditions économiques difficiles. Ainsi la classe sociale joue un rôle d'autant plus important qu'elle est associée à une croissance faible dans la petite enfance.
Dans un éditorial, le Pr Michael Marmot souligne l'originalité de l'étude car elle tente de combiner plusieurs facteurs : « Le résultat le plus intéressant de cette étude est qu'elle montre que les deux types de facteurs, ceux liés aux modes de vie de l'adulte et ceux liés à l'enfance, interagissent entre eux. » Les auteurs avancent l'explication suivante : les enfants de petite taille à la naissance présentent des altérations du développement du foie, et donc du métabolisme des lipides et des facteurs de coagulation, comme le suggère une étude précédente de JG Erikson (1). De même leur réponse au stress est altérée et ils ont tendance à avoir des taux de cortisol sanguin élevés.
Des changements neuro-endocriniens
Les auteurs rappellent, par ailleurs, qu'une étude du Pr Marmot avait déjà montré des changements neuro-endocriniens chez des individus occupant une position sociale peu élevée, déterminée par leur bas revenu, d'autant plus qu'ils ont la perception d'un échec. DJP Baker note, lui, que le niveau de revenu n'a pas été un facteur déterminant, alors que le niveau d'éducation l'était. Il semblerait qu'un niveau intellectuel élevé protège des effets d'un bas niveau de revenu. La perception d'une position hiérarchique sociale satisfaisante est plus déterminée par le niveau d'étude que par le niveau de revenu.
Une prise de poids rapide dans l'enfance pourrait exacerber les effets biologiques d'un faible poids à la naissance.
Selon les auteurs, les conclusions de cette étude sont optimistes car cette voie de recherche peut conduire à une prévention : « Une amélioration des conditions de la croissance chez le ftus, le nourrisson et l'enfant peut prévenir la maladie coronaire à la prochaine génération en rendant l'organisme plus résistant aux conditions sociales défavorables. »
« British Medical Journal », vol. 323, 1er décembre 2001, p. 1573-1276, éditorial p. 1216-1217.
(1) BMJ 2001 ; 322:949-53.
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