Rares (incidence de 1 ou 2 pour 100 000 habitants aux Etats-Unis), les tumeurs carcinoïdes prennent naissance dans les cellules entérochromaffines typiquement localisées dans le tractus gastro-intestinal ou dans les poumons.
Au moment du diagnostic, entre 20 et 30 % des patients ont une maladie disséminée avec un syndrome carcinoïde, caractérisé par des flushes cutanés vasomoteurs, une diarrhée sécrétrice et un bronchospasme.
Le syndrome carcinoïde est provoqué par la libération, par la tumeur, de sérotonine et d'autres substances vasoactives. Une fois relarguée, la sérotonine est métabolisée par la monoamine oxydase au niveau du foie, des poumons et du cerveau en 5-HIAA (acide 5-hydroxyindolacétique).
Les métastases hépatiques relarguent des substances vasoactives
Quand les substances vasoactives sont relarguées par des métastases hépatiques, le cœur droit est exposé à des taux élevés de ces substances. On estime que cette exposition provoque des lésions endocardiques, provoquant épaississement, rétraction et fixation des valves cardiaques droites ; d'où dysfonction valvulaire et, éventuellement, insuffisance cardiaque droite.
Bien que les taux de sérotonine soient plus élevés chez les patients qui ont une atteinte cardiaque que chez ceux qui n'en ont pas, on ne sait pas très bien quels sont les facteurs impliqués dans la progression des lésions cardiaques.
L'insuffisance cardiaque droite reste une cause majeure de morbidité et de mortalité chez les patients qui ont une maladie carcinoïde cardiaque. La compréhension des mécanismes impliqués dans la progression des lésions cardiaques pourrait conduire au développement de traitements permettant d'atténuer ce processus. C'est dire tout l'intérêt de l'étude rétrospective publiée aujourd'hui dans le « New England Journal of Medicine » par une équipe de Rochester (Etats-Unis).
Ce travail a porté sur 71 patients présentant un syndrome carcinoïde, qui ont eu des études échographiques pratiquées à plus d'un an d'intervalle, et 32 patients adressés pour intervention chirurgicale après échocardiographie initiale.
Un score échographique d'atteinte cardiaque
A l'échocardiographie étaient évaluées la taille du ventricule droit (VD), la fonction systolique et l'anatomie valvulaire. Un score était établi. Pour l'anatomie des valves tricuspides et pulmonaires, on a utilisé une échelle en quatre points : 0 = normale ; 1 = épaississement avec mobilité réduite ; 2 = épaississement avec importante immobilité ; 3 = valve épaissie et fixée. La régurgitation tricuspide a été cotée de 0 (minime ou absente) à 3 (régurgitation marquée) ; idem pour la régurgitation pulmonaire. La fonction ventriculaire droite était également cotée selon un score de 0 (normale) à 3 (insuffisance ou hypertrophie sévères).
Une augmentation du score global de plus de 25 % entre deux examens était considérée comme un signe de progression de la maladie. Quant à la progression tumorale, elle était évaluée sur la base du scanner abdominal et du dosage du 5-HIAA urinaire.
Les résultats sont schématiquement les suivants :
- 25 patients (35 %) avaient, entre deux échocardiographies, une augmentation du score cardiaque de plus de 25 % ;
- par rapport aux patients dont le score avait changé de 25 % ou moins, ces patients avaient une plus forte élévation urinaire de 5-HIAA (265 versus 189 mg/24 heures : p = 0,004) ; ils étaient plus à risque d'avoir une progression biochimique (10 sur 25, contre 9 sur 46 ; p = 0,05) et d'avoir reçu une chimiothérapie (13 sur 25, contre 10 sur 46 ; p = 0,009).
Au total, l'analyse en régression logistique a montré qu'un taux urinaire plus élevé de 5-HIAA et une chimiothérapie antérieure étaient les éléments prédictifs d'une augmentation du score cardiaque de plus de 25 %. L'odds ratio pour chaque augmentation de 25 mg/24 heures de 5-HIAA était de 1,08 ; l'odds ratio associé à la chimiothérapie antérieure était de 3,65.
Conclusion des auteurs : « La sérotonine est liée à la progression de la maladie carcinoïde cardiaque et le risque de progression de l'atteinte cardiaque est plus élevé chez les patients qui ont reçu une chimiothérapie que chez ceux qui n'en ont pas reçu. » Cela dit, ce travail, de l'avis des auteurs, n'explique pas tout : « Le mécanisme exact impliqué dans la progression de la maladie carcinoïde cardiaque mérite des investigations complémentaires. »
Jacob Moller et coll. « New England Journal of Medicine » du 13 mars 2003, pp. 1005-1015.
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