IL NE FAUT PAS S'Y TROMPER : le programme de Dominique de Villepin, c'est celui de Jacques Chirac tel qu'il résulte des succès et surtout des échecs du chef de l'Etat et tel qu'il est façonné par le mécontentement populaire. De sorte que l'hypothèse d'une nouvelle candidature de M. Chirac ne peut pas être encore écartée, en dépit de son accident vasculaire cérébral et de la défaite, le 29 mai dernier, du traité constitutionnel européen.
Contradiction.
C'est une réflexion compliquée de M. Chirac qui a permis à Nicolas Sarkozy de présider l'UMP et d'entrer au gouvernement Villepin, après que M. Chirac nous eut expliqué qu'on ne pouvait pas être à la fois au parti et au pouvoir. Mais peu importe la contradiction. Le résultat est que, pour que M. de Villepin ne soit pas constamment harcelé par les mortiers de l'ennemi, il l'a invité à participer à la gestion du pays, sans toutefois le réduire au silence.
Le président et le Premier ministre se livrent donc à une tâche permanente et urgente : démentir M. Sarkozy. S'il exprime son intérêt pour la « discrimination positive », il est aussitôt rappelé que, pour le moment, la mise en œuvre d'une réforme aussi vaste n'est pas au menu du gouvernement ; s'il propose d'accorder le vote aux immigrés, les deux grandes voix de l'exécutif soulignent avec des trémolos leur attachement à la nationalité française ; si M. Sarkozy propose un programme socio-économique de « rupture », M. de Villepin commence par dire que c'est un vilain mot et M. Chirac s'approprie, au nom de l'Europe, « l'économie sociale de marché ». Formule qui ne veut strictement rien dire mais dont l'absolue vacuité rassure les foules françaises qui ne comprennent toujours pas pourquoi la vie est chaque jour plus compliquée.
Il y a une énorme part de rhétorique dans les deux camps. Et si M. Chirac essaie de calmer sa propre anxiété par des astuces sémantiques, M. Sarkozy s'avance à découvert sur des terrains encore vierges qui risquent de recéler des sables mouvants. Son imagination, au demeurant, n'est pas éblouissante ; car l'Amérique a fait depuis près de 40 ans l'expérience de la discrimination positive avec des résultats mitigés et surtout des holà de type constitutionnel. Lyndon Johnson est parvenu à acheminer les petits Noirs vers les écoles blanches dont les élèves habituels se sont aussitôt inscrits au privé ; il a favorisé la promotion des Noirs jusqu'au moment où un étudiant en médecine a fait valoir devant la Cour suprême que discriminer positivement, c'était tout simplement nier le mérite du meilleur, donc une brutale discrimination négative.
Ce qui veut dire que M. Sarkozy, en attendant d'être élu président avec des conséquences assez imprévisibles, se plaît à exposer son programme aux Français médusés. Et que M. Chirac - ou M. de Villepin - s'empresse de dire : n'écoutez pas ce qu'il dit, voyez ce que je fais. La position du chef du gouvernement n'est pas la moins bonne : il s'affirme dans l'action, il parvient parfaitement à se distinguer, par le style et par les actes, du ministre de l'Intérieur, bref il se fait connaître d'un peuple auquel il n'a jamais été confronté par le biais des urnes, il tisse sa toile.
Nous ne pensons pas qu'il manque de cohérence ou qu'il ait failli à la tâche ; mais il a buté sur la Sncm et de toute évidence la question des privatisations est de nature, à cause du tollé syndical et socialiste, à le rendre impopulaire.
VILLEPIN AUX FRANçAIS : N'ÉCOUTEZ PAS CE QUE DIT SARKOZY, VOYEZ CE QUE JE FAIS
Le danger : en faire trop.
En outre, le moment où il court le plus grand danger, c'est lorsque il en fait plus en matière de « rupture » que M. Sarkozy ne le laissait espérer. Sa défiscalisation de certaines actions, dans une période où l'actionnaire, avec un grand A, est l'ogre qui dévore le salarié, est un modèle de rupture. Thierry Breton a beau crier qu'il s'agit de créer des emplois, uniquement des emplois, l'opposition, en cette circonstance, réussit à faire passer ce gouvernement pour l'ami exclusif des riches.
Il en va de même pour la privatisation partielle d'EDF : le gouvernement aurait dû reconnaître humblement qu'il a un besoin vital d'argent au lieu d'essayer de nous faire croire que la vente de 15 % d'EDF est une géniale opération de gestion des affaires publiques.
Les dés ne sont pas jetés et la période est assez troublée pour que n'importe quel gouvernement se fracasse sur une conjoncture plus folle qu'un tsunami. Les électeurs jugeront.
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