A l'issue du second « Grenelle de la santé », l'incertitude demeure sur le système de régulation et de gestion des dépenses d'assurance-maladie que le gouvernement entend mettre en place. Il est suspendu au résultat d'une concertation qui sera conduite durant l'été avec les partenaires sociaux et les professionnels de santé. En attendant, le système de sanctions des professionnels libéraux en cas de dépassement des objectifs de dépenses sera maintenu « malgré ses défauts », a indiqué Elisabeth Guigou.
Tirant le bilan de plus de six mois de concertation et s'appuyant sur le rapport des quatre « sages », la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a conclu cette nouvelle table ronde en présentant l'ouverture de toute une série de chantiers de réforme dont l'objectif est de moderniser le système de soins de ville et de rebâtir une nouvelle architecture conventionnelle entre les caisses d'assurance-maladie et les professionnels de santé libéraux.
Le projet de loi de modernisation sanitaire, qui sera présenté en conseil des ministres à la fin du mois d'août et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale à l'automne devrait en fournir les premières applications concrètes dès l'automne.
Le nouveau dispositif de formation médicale continue, la création d'un observatoire de la démographie médicale et d'un conseil national de santé ainsi que la mise en place d'aide à l'installation des médecins s'inscriront dans ce cadre. En revanche, la redéfinition des rôles et des compétences des professionnels, le développement des recommandations de bonnes pratiques ou la meilleure coordination des soins par la mise en place de réseaux sont renvoyés à des groupes de travail.
Mais c'est sur la question de la gestion du système de soins et de la maîtrise des dépenses de santé qu'Elisabeth Guigou était la plus attendue. Cette question qualifiée de « centrale » par la plupart des participants est aussi la moins consensuelle. La ministre de l'Emploi et de la Solidarité a donc annoncé « un approfondissement de la concertation » tout en souhaitant être en mesure de présenter un texte législatif à l'automne dans le cadre de la prochaine loi de financement de la Sécurité sociale. « Nous verrons comment il peut ouvrir la voie à une nouvelle méthode de régulation des dépenses », a-t-elle déclaré. Constatant que les propositions des uns et des autres étaient encore éloignées, elle en retient toutefois une idée commune : celle d'un socle conventionnel commun assortie d'accords spécifiques par mode d'exercice ou discipline qui lui semble « intéressante, car elle permet d'enter dans un système de régulation fondée davantage sur l'incitation que sur la sanction ». La ministre a souhaité travailler très vite sur le contenu de cette nouvelle architecture en espérant « avancer rapidement ».
Interrogée sur le fait de savoir si elle maintiendrait ou non un mécanisme comptable de maîtrise des dépenses, Elisabeth Guigou a répondu qu'il « n'y aurait pas de maîtrise des dépenses si on n'a pas l'engagement des professionnels de santé. Il faut voir comment on détermine l'enveloppe que l'on consacre à la santé et comment on la fait respecter. Nous souhaitons que les professionnels y soient associés et que les critères de la maîtrise soient médicalisés », a insisté Elisabeth Guigou, tandis que Bernard Kouchner évoquait une « maîtrise médicale comptabilisée ». Quant à la clarification des rôles entre l'assurance-maladie et l'Etat, la ministre a renvoyé cette question au chantier ouvert par le Premier ministre sur l'avenir de la protection sociale pour lequel elle recevra l'ensembles des partenaires sociaux entre le 17 et le 27 juillet.
Scepticisme
L'exercice s'annonce toutefois délicat. Car l'annonce de ces orientation a suscité des appréciations divergentes aussi bien chez les partenaires sociaux que chez les professionnels. Et beaucoup sont ressortis sceptiques de cette réunion.
A commencer par le vice-président du Medef, Denis Kessler, qui estime ne pas avoir obtenu de réponse sur les dix propositions du patronat pour réformer la Sécurité sociale. « Il me semble que cette opération est faite pour gagner du temps plutôt que véritablement proposer aux Français des réformes en profondeur. »« C'est un second Grenelle de la santé pour rien. Nous n'avons aucune réponse sur le problème de fond qui est la clarification des responsabilités entre l'Etat et l'assurance-maladie », a expliqué de son côté Jean-Claude Mallet (FO) tandis qu'André Hoguet(CFTC) regrettait qu'il ne s'agisse que d'un « catalogue de promesses qui ne nous permettent pas de sortir de l'impasse ». La réaction est plus positive du côté de la CFE-CGC et de la CFDT pour qui la ministre a fait des « ouvertures ».
Le président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), le principal syndicat de médecins, n'a pas non plus caché sa déception assurant que « rien n'a changé » et que le « bouclage comptable des dépenses refusé par les professionnels reste en vigueur ». Même tonalité du côté du Syndicat des médecins libéraux pour qui « il n'y a rien de concret sur les objectifs de dépenses et leur opposabilité ». En revanche, Pierre Costes, président de MG-France, s'est dit satisfait, estimant que « les médecins libéraux avaient enfin été entendus et reconnus » tandis que l'idée d'une architecture conventionnelle à plusieurs étage « convient tout à fait » à l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF). Quant au président de la Caisse nationale d'assurance-maladie, Jean-Marie Spaeth, il a estimé que « tous les chantiers sont ouverts » mais qu'il fallait désormais passer « dans la phase opérationnelle et aux mesures concrètes ».
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