«MÊME PARMI des universitaires qui accomplissent des parcours de haut niveau, en médecine ou en sciences, vous pouvez trouver des personnalités fragiles, ignorantes sur le plan religieux et politique, et qui sont susceptibles de se laisser embrigader, observe Abdelhaq Nabaoui, aumônier national musulman pour les hôpitaux. Comme tous les cadres et les intellectuels, les médecins sont exposés à l'enrôlement des fanatiques et des extrémistes. Eux aussi sont vulnérables.»
Médecin réanimateur au CH de Châlons-en-Champagne, de nationalité mauritanienne, le Dr Salem Ould Zein confirme que «le risque d'endoctrinement est réel dans plusieurs universités d'Afrique du Nord, en particulier dans des facultés de médecine et de sciences au Maroc, mais aussi en Egypte. Des filières fonctionnent, on le sait, que les services de police ne parviennent pas toujours à neutraliser».
Face à la menace, la vulnérabilité des pays occidentaux est variable. Pour le Dr Dalil Boubakeur, «la Grande-Bretagne a sûrement vécu très dangereusement depuis des années. Jusqu'en 2003, des prédications ultraradicales n'étaient pas interdites à la mosquée centrale de Londres. Les dérives communautaristes étaient monnaie courante, en particulier dans les hôpitaux où les personnels, médicaux et soignants, avaient et gardent toute latitude de s'habiller n'importe comment, avec tous les signes ostensibles que la loi du 15mars 2004, dite loi sur le voile, a prohibés en France. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner si des médecins endoctrinés à l'étranger ont pu prendre pied sur le territoire britannique. Et même si le gouvernement s'est décidé à prendre des mesures enfin plus vigoureuses, on n'éradiquera pas instantanément les graines de violence semées par des années de laxisme».
Passages à l'acte.
Evidemment, «les comportements racistes que l'on peut observer dans certains services hospitaliers peuvent faciliter, en réaction, des regroupements communautaristes et à tout le moins entraîner des affirmations identitaires», constate le Dr Christophe Prudhomme.
«Il n'y a pas seulement les actes racistes, insiste le Dr Elisabeth Sow Dione, urgentiste au CH de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), vice-présidente de l'Inpadhue, il y a la pression, des années durant, de l'exploitation scandaleuse dont font l'objet les médecins à diplôme étranger. A force d'assurer les horaires les plus contraignants, pour des rémunérations dérisoires, sans perspective de progression, certains praticiens, complètement désespérés, finissent par craquer. Les passages à l'acte peuvent parfois entraîner des suicides, parfois ils peuvent provoquer des adhésions à des groupes extrémistes. Certains terroristes sont en fait des gens qui ont fini par péter les plombs.»
Le mystère du basculement du monde de la médecine à celui du Djihad demeure. Et le choc, devant l'existence de ces terroristes en blouse blanche, est violent pour tous les médecins interrogés par « le Quotidien ». «Voir passer quelqu'un de la médecine à la guerre, ça fait mal, dit cet urgentiste du CH de Corbeil- Essonne. On ne comprend pas le mal, on ne comprend absolument pas le mal absolu.»
Vigilance policière.
Tous nos interlocuteurs dénoncent avec force l'amalgame entre les médecins incriminés au Royaume-Uni et la situation en France des médecins à diplôme étranger, qu'ils soient français ou étrangers. Pour autant, qui pourrait affirmer que les événements survenus sur le territoire britannique ne pourront pas éclater un jour sur le sol français ? Parmi les praticiens à diplôme hors Union européenne, plusieurs médecins confient qu'ils savent faire l'objet d'une surveillance de la part des Renseignements généraux. Contacté par « le Quotidien », le cabinet du ministre de l'Intérieur assure que les médecins à diplôme étranger ne font pas l'objet d'une surveillance spécifique. Ce qui ne veut pas dire qu'aucune vigilance policière ne s'exerce sur eux. De fait, quelques médecins hospitaliers s'interrogent, confient-ils, au sujet de confrères proches de groupes extrémistes.
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