L'HÔPITAL doit préserver son expertise en matière d'innovation. Un atout majeur qui contribue à le rendre attractif aux yeux des malades, mais aussi des médecins. «Avec la T2A, les CHU sont entrés dans un système concurrentiel, à l'égard certes des hôpitaux généraux, mais, surtout, des grandes structures privées qui offrent, de plus en plus, des plateaux techniques très performants. Un bon nombre de jeunes médecins délaissent ainsi l'hôpital public au profit du privé, qui offre une meilleure rémunération et des difficultés de fonctionnement moindres. C'est, entre autres, en faisant la différence dans le domaine de l'innovation que l'hôpital public restera attractif», assure le Pr Alain Destée, président de la Conférence des présidents de CME en CHU.
Étape quasi incontournable dans la chaîne d'évolution d'un médicament, d'un dispositif médical ou d'une technologie, l'innovation nécessite un complément d'investigation. «Il faut l'utiliser, mais aussi contrôler régulièrement son efficacité et évaluer les éventuels effets indésirables. Des missions qui peuvent être assurées par le CHU grâce à ses équipes pluridisciplinaires spécialisées», poursuit l'orateur.
Trouver des sources de financement pour accéder rapidement à l'innovation «est évidemment notre principal problème. Outre son coût direct, l'innovation peut retentir sur une pratique ou sur un mode organisationnel et engendrer ainsi un coût indirect qui peut être très important, en termes de personnel et/ou d'équipement», affirme le Pr Destée.
Quels sont les moyens dont dispose l'hôpital pour le financement de l'innovation ? «En théorie, avec la nouvelle gouvernance, un pôle participant à l'innovation devrait avoir quelques moyens propres pour la financer. La déclinaison du financement de l'hôpital au sein des pôles devrait permettre à chacun d'établir son micro-état prévisionnel des recettes et des dépenses, ainsi que son compte d'exploitation pour savoir ce qu'il rapporte et coûte à l'hôpital. La délégation de gestion devrait permettre aux pôles bénéficiaires d'investir dans l'innovation s'ils le souhaitent. Le problème, aujourd'hui, c'est que les pôles bénéficiaires doivent compenser les déficits des autres. Ce principe de mutualisation ne peut être critiqué. Mais, dans ces conditions, il est extrêmement difficile de permettre aux pôles d'avoir une enveloppe correcte pour financer l'innovation », précise le Pr Destée.
Quelques milliers d'euros par pôle.
Une situation d'autant plus difficile que les CHU sont dans le rouge. «Toutefois, grâce à l'intéressement prévu dans les contrats internes, la plupart essayent de préserver quelques enveloppes dédiées à l'innovation. Mais leur montant reste extrêmement modeste au regard des besoins: quelques milliers d'euros par pôle», note le Pr Destée.
En matière d'innovation, les CHU doivent donc faire des choix. La CME peut être interpellée. Mais, au final, la décision stratégique est prise par le conseil exécutif qui choisit parmi les projets qui lui sont soumis . «Il nous est aussi possible de solliciter les tutelles, rappelle le Pr Destée. Par exemple, l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) pour le financement des ATU (médicaments en autorisation temporaire d'utilisation) . Certaines molécules relevant de l'ATU coûtent –pour le traitement d'un seul malade– plusieurs centaines de milliers d'euros par an.»
La sollicitation des tutelles politiques est aussi un moyen de financer l'innovation. «C'est un vrai problème. Certains collègues sont devenus des spécialistes de la sollicitation politique, ironise le Pr Destée . Notamment du conseil régional. Or celui-ci ne peut financer la totalité d'un équipement donné. Le financement complémentaire qui nous est alors imposé diminue d'autant les possibilités de l'établissement. Cela pose un problème plus général: dans les mois et les années à venir, les politiques devront prendre des positions claires concernant le système de santé et son modede financement», conclut le Pr Destée.
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