ON POURRA, avec cette lettre, mesurer le fossé culturel entre l’Amérique et l’Iran : soucieux de trouver, entre ses accusations traditionnelles, quelque chose de positif à dire à son interlocuteur, M. Ahmadinejad, qui a la prose abondante, s’est abandonné à quelques considérations métaphysiques parmi lesquelles il a noté un point commun entre les deux pays : le monothéisme. Alléluia !
De sorte que la première prudence serait d’établir la différence entre le message et ce qu’il peut avoir de gratifiant pour son auteur : de toute évidence, le maître de l’Iran ne sait plus quoi dire ou faire pour qu’on parle de lui. Il a essayé avec succès le triomphalisme de ses déclarations bellicistes, la haine qu’il nourrit contre Israël, l’antiaméricanisme absolu, les menaces contre l’Occident, le parallélisme faussement innocent entre le désir de l’Iran souverain de créer son énergie d’origine nucléaire et sa promesse de « rayer Israël de la carte ».
Une presse décevante.
Voilà que, soucieux de se renouveler et sans doute conscient de ce que ses insultes finiront par lasser tout le monde, y compris les Iraniens eux-mêmes, il tente le genre épistolaire. Cette brève conversion à la littérature a certes produit un gros document ; elle traduit un mysticisme dont M. Ahmadinejad est coutumier ; mais il ne peut influer d’aucune manière sur un gouvernement américain qui ne peut même pas imaginer qu’un texte de ce genre puisse nourrir une quelconque négociation.
LA SEULE POLITIQUE VALABLE AVEC L'IRAN C'EST LA DISSUASION QUI A DONNE D'EXCELLENTS RESULTATS AVEC L'URSS
La réaction de la presse, qui veut à tout prix y voir ce qu’on appelle une ouverture, est donc décevante. Il ne s’agit nullement, pour les Américains, de rejeter une proposition de pourparlers ; il s’agit de ne pas se saisir du moindre signal pour bâtir autour de lui une nouvelle politique. Non seulement ce ne serait pas raisonnable, mais ce serait dangereux. Une réaction positive de Bush rendrait officiel ce que chacun sait : il n’existe pas de politique de non-prolifération des armements nucléaires qui soit applicable à l’Iran.
Le président américain n’est pas obligé d’ignorer complètement la lettre d’Ahmadinejad ; il peut envoyer un accusé de réception. Mais il doit tenir compte de la condescendance de son interlocuteur qui prétend discuter à partir de son raisonnement et de ses convictions. Or il n’y a pas deux langages à lui tenir : si nous défendons vraiment des valeurs et des principes, nous devons lui dire, nous Occidentaux, qu’il est une verrue sur la face du monde, que sa religion n’est qu’un instrument de l’arbitraire et que nous ne transigerons ni sur l’obscurantisme du régime iranien ni sur notre détermination à repousser ses menaces par des moyens que nous adapterons au fur et à mesure que de telles menaces se précisent.
Une majorité pour cet homme.
Bien entendu, les réformistes iraniens, et ils sont nombreux, quoique dépourvus de toute influence, nous demandent de ne pas couper les ponts avec l’Iran. Leur seule présence dans ce pays doit nous faire réfléchir sur une riposte militaire aveugle. Mais ce régime est installé depuis plus d’un quart de siècle et les espoirs de changement sont minces pour ne pas dire nuls.
Ahmadinejad est parfaitement en mesure de poursuivre sa politique belliciste, soutenue par des moyens qu’alimentent des recettes pétrolières en forte hausse. On ne distingue pas les prémices d’un soulèvement populaire ; et même si les récentes élections ont été truquées, il y a eu une majorité pour élire cet homme, comme il y en a eu une en Palestine pour mettre le Hamas au pouvoir, avec les conséquences que l’on sait pour les électeurs palestiniens.
La fermeté n’est pas l’irresponsabilité : il n’existe pas de remède au mal totalitaire iranien ; l’Amérique est incapable de livrer une nouvelle guerre et, si l’on en juge par le précédent irakien, il vaut mieux qu’elle s’abstienne ; des bombardements préventifs, par les Etats-Unis ou par Israël, représentent une option extrêmement dangereuse, à cause de la volatilité de la région. Les Etats arabes, (Irak, Arabie saoudite, Emirats, Egypte) se sentent menacés par la puissance montante du Golfe avec laquelle existe clairement un différend d’ordre confessionnel, assorti des ambitions insatiables d’Ahmadinejad. Mais, avec leur hypocrisie habituelle, les mêmes Etats crieraient au scandale si l’Iran était attaqué.
On ne sait pas, en vérité, s’il est possible d’empêcher l’Iran d’acquérir des armes atomiques. C’est l’Israélien Shimon Peres qui a le mieux tiré la leçon des mécaniques de la dissuasion : si l’Iran attaquait Israël, l’Iran serait anéanti. De cette déclaration aussi, on a tiré des conclusions spectaculaires, comme le statut nucléaire d’Israël, qui, pourtant, n’est plus à confirmer, ou des préparatifs israéliens en vue d’un blitzkrieg. En réalité, il s’agit de la réponse du berger à la bergère : à un Ahmadinejad qui se gargarise avec les menaces, M. Peres a répondu une seule fois qu’Israël ne plaisante pas sur sa sécurité. C’est seulement un message, mais il est beaucoup plus achevé que la lettre de 18 pages rédigée en anglais par le président iranien.
Il est donc possible que l’Iran, en définitive, mette en place une force atomique. Il est douteux qu’il s’en serve. Mais, bien entendu, il en fera un moyen de pression sur tous les pays qui l’entourent et notamment l’Irak occupé par les Américains.
Dans les relations Est-Ouest, la dissuasion a produit de très bons résultats diplomatiques ; elle a préservé la paix. Il faut faire de même avec l’Iran : lui rappeler les risques immenses qu’il court dans l’espoir qu’il se calme ou que, à terme, et comme l’Union soviétique, le régime des ayatollahs finisse par s’effondrer sur lui-même.
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