Arts
Une siamoise, une femme-statue, un tuba en feu, une locomotive sortant de la cheminée, une montagne en forme d'oiseau, un château dans le ciel, une pomme déguisée, un homme à quatre bras, un cercueil malléable, un tronc d'arbre vivant... : les uvres de Magritte, depuis longtemps familières à nos yeux, sont des icônes du XXe siècle, des référents, des emblèmes du surréalisme, qui ont été souvent abusivement exploités comme de vulgaires images d'Epinal.
« Je ne reconnais qu'un seul mobile à l'activité picturale, disait l'artiste : le souhait de peindre une image que l'on aime regarder. » On pourrait inverser le propos : notre plaisir à nous, c'est de regarder une image que Magritte a peinte. Avec beaucoup de simplicité. Rien de plus. « Dans la mesure où mes tableaux sont valables, ils ne se prêtent pas à l'analyse », a-t-il écrit encore. Ecoutons-le, et soyons surtout attentifs aux échos sensibles qu'éveille en nous sa peinture.
Si l'on aime les uvres de Magritte, ce n'est pas tant en effet pour ce qu'elles soulèvent d'interprétations et de questionnements. Ce n'est pas tant non plus pour l'imagination inventive, pour la fantaisie déroutante qu'elles révèlent : le ciel tacheté de nuages qui se reflète dans l'il (« le Faux Miroir », 1950) ; une chevelure qui pousse dans une paire de chaussures ; une montagne aqueuse... On les aime surtout pour leur mystère- « La seule chose qui m'engage c'est le mystère du monde », déclarait l'artiste - et pour le rêve personnel auquel nous convie ce mystère.
La discordance
Après avoir travaillé en tant que graphiste et publicitaire, Magritte se tourne vers le surréalisme en 1925, lorsqu'il découvre une toile de Chirico (« le Chant d'amour ») qui l'émeut ; elle lui fera abandonner ses recherches pour se soumettre à une seule et même conception de l'art à laquelle il ne dérogera jamais.
Les tableaux-mots sont la première étape par laquelle passera Magritte : il joue sur le signifiant et le signifié, ironise, renverse la norme, inscrit « Montagne » sur le visage d'une femme, refuse d'appeler un chat un chat, une pipe une pipe. La peinture de Magritte est déjà fondée sur la « discordance », sur le bizarre. C'est une peinture réaliste, mais qui prend toujours en compte les « éléments perturbateurs » de la réalité chers aux surréalistes : titres des uvres qui n'ont rien à voir avec le sujet, clins d'il, renversements...
En 1943, et pendant quelques années, Magritte est à la recherche d'une peinture gaie et jubilatoire, qui sera qualifiée de néo-impressionniste : ses uvres se parent alors de teintes vives et colorées. En 1948, à Paris, pour sa première exposition personnelle dans la capitale, Magritte présente des toiles d'un style étincelant et caricatural, qu'on appellera le style « vache ». Il pousse le culte du plaisir jusqu'à son point ultime, dans un esprit de provocation. Puis, ressentant la froideur de l'accueil du public, il reviendra à son style habituel, aux ciels bleus, aux hommes au chapeau melon, aux pommes, aux quilles, aux parapluies...
Il reviendra en quelque sorte à lui-même, esclave consentant de cette mythologie qu'il aura créée, où le tragique et la facétie se mêlent et se répondent.
Galerie nationale du Jeu de Paume. 1, place de la Concorde, 75008 Paris. Du mardi au dimanche, de 12 h à 19 h (nocturne le mardi). Entrée : 8 euros (TR : 6,5 euros). Catalogue de l'exposition, 304 pages, 35 et 45 euros.
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