EN FRANCE, dès que l’on parle guitare jazz, on fait référence au swing manouche et au jazz gitan. Cette exception culturelle (encore une !) a pour conséquence de reléguer aux oubliettes des pans entiers de l’histoire de la six cordes dans la musique afro-américaine, notamment la période be-bop et cool. La récente réédition d’albums indispensables de cette époque enregistrés par des maîtres du genre remet les pendules à l’heure.
Jimmy Raney (1927-1995) avait, dans les années 1950-1960, joué avec tout le gratin du jazz, de Lee Konitz à Billie Holiday en passant par les grands orchestres de Woody Herman et Artie Shaw, le clarinettiste Buddy DeFranco, le saxophoniste-ténor Stan Getz, le vibraphoniste Red Norvo, voire Martial Solal et le multi-instrumentiste Eric Dolphy. En 1956, il grave un album éponyme (ABC Paramount/Verve/Universal) « Featuring Bob Brookmeyer », le grand tromboniste (à valve) de la côte Ouest, et notamment le pianiste Hank Jones. Huit titres, dont quatre compositions originales des deux leaders, et surtout un jazz aux accents délicieusement cool, très West Coast, favorisant l’exploitation détendue des mélodies.
Une approche que l’on redécouvre chez Howard Roberts. Et pour cause car « Good Pickin’s » (Verve/Universal), enregistré en 1959 à Los Angeles, rassemble quelques-unes des pointures de la West Coast d’alors comme Bill Holman (saxe ténor), Pete Jolly (piano), Red Mitchell (contrebasse) et Stan Levey (batterie) autour du leader. Peu connu du grand public, ayant peu de disques à son actif, Howard Roberts (1929-1992) était pourtant l’une des figures majeures du courant californien où il brilla aux côtés de personnalités locales comme Shorty Rogers, Buddy DeFranco, les frères Pete et Conte Condoli, Lennie Niehaus – aujourd’hui directeur musical des films de Clint Eastwood – et Bud Shank. Un oubli réparé avec la publication d’un album brillant d’un remarquable styliste à réhabiliter.
Quand Herb Ellis, né en 1921, entre en studio en décembre 1955 et en janvier 1956 à Hollywood, il est déjà connu pour sa participation au trio d’Oscar Peterson. C’est d’ailleurs cette rythmique – Ray Brown (contrebasse) et Alvin Stoller (batterie) – le pianiste lui-même, ainsi que Harry « Sweets » Edison (trompette), Charlie Mariano (saxe alto) et Jimmy Giuffre (saxe, clarinette), qui entourent le jeune et mature leader dans « Ellis in Wonderland » (Norgran/Universal), une réédition qui fait la part belle au swing avec un feeling et un groove absolument éminent.
Changement radical d’atmosphère musicale avec le guitariste norvégien contemporain Terje Rypdal. Dans son dernier opus, « Vossabrygg op. 84 » (ECM/Universal), le leader renvoit d’entrée l’auditeur à la genèse du jazz fusion, celui de « Bitches Brew » de Miles Davis. Enregistrée en direct en avril 2003 au Vossa Jazz Festival, en Norvège, avec notamment Palle Mikkelborg (trompettiste), Bugge Wesseltoft (claviers) et son fils, Marius (platines), cette longue suite originale est une forme de réconciliation musicale entre les styles les plus révolutionnaires rythmiquement du XXe siècle, le jazz-rock binaire et le jazz électro. Une musique très actuelle tout en invoquant un certain patrimoine. > DIDIER PENNEQUIN
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