ANTIQUITES
Légende de l
C'était au temps où les ministres étaient aussi de grands amateurs. À l'instar de Choiseul, grand amateur de tableaux et adversaire des mièvreries rocaille, Jean-Baptiste de Machault d'Arnouville, qui, de 1740 à 1757, fut successivement Contrôleur général des finances, ministre d'Etat, garde des Sceaux et ministre de la Marine, avait réuni une fastueuse collection d'uvres d'art et de meubles précieux.
Sa disgrâce relative, ou plutôt sa mise à l'écart de la vie politique en 1757 (sur pression, dit-on, de Madame de Pompadour) ne sonne pas le glas de sa fortune. Il profite au contraire de ses loisirs forcés pour engager « de folles dépenses » dans l'ameublement et l'embellissement de son hôtel du Marais et de sa propriété d'Arnouville. Il ouvre même au marchand mercier Hébert un crédit illimité pour meubler dignement ses deux résidences, de commodes de laques et de meubles précieux commandés aux meilleurs ébénistes du temps comme Bernard Van Risenburgh. On retrouve l'estampille (BVRB) de l'ébéniste préféré de Madame de Pompadour sur une armoire de laque et sur un meuble d'appui marqueté de bois de passé à Drouot en 1989.
Bronzes d'appartement
Outre la belle ébénisterie, les porcelaines de Sèvres et les tapisseries de Gobelins, le ministre semble avoir eu un penchant particulier pour les bronzes d'appartement. On se souvient d'un « Enlèvement d'Hélène par Paris » début XVIIe, par Giambologna, fonte florentine de Susini, qui défraya en 1989 la chronique de Drouot avec l'enchère de 22 MF. C'est lui qui, en 1745, alors contrôleur des finances, instaura un impôt sur les bronzes et tout objet contenant du cuivre, dont l'acquittement donnait lieu à l'application d'un poinçon « au C couronné », qui fut aboli quatre ans plus tard.
Certains des bronzes de sa collection portent d'ailleurs cette petite marque, tant sur le groupe lui-même que sur les socles de bronze doré. C'est le cas des deux « enlèvements » attribués à Jean-Claude Duplessis d'après des modèles de Jean de Bologne et de Girardon : celui de Déjanire par le centaure Nessus et celui d'une Sabine par un cavalier romain. Deux classiques du genre estimés ensemble 80/100 000 euros. Le groupe d'Apollon transperçant le serpent Python de sa lance (disparue) l'est beaucoup moins ; attribué lui aussi à Duplessis, il pourrait atteindre 50/60 000 euros. Une paire de figurines complètent ce petit ensemble de bronzes, une Vénus Médicis et un Antinoos du Belvédère dont on attend 20/30 000 euros. Les descendants du ministre se séparent également (pour 7 000 à 8 000 euros) d'un objet plus personnel, un portefeuille de maroquin fauve brodé de fils d'argent, aux armes de Machault, daté de Constantinople 1748.
La fin de l'histoire est plus triste. Né en 1701, l'ancien ministre de Louis XV avait un grand âge lorsque éclata la révolution, ce qui ne le mit pas à l'abri de la loi des suspect. Écroué aux Madelonnettes, la chute de Robespierre le sauva sans doute de la guillotine, mais pas de la mort puisqu'il expira en prison trois jours plus tard, le 12 thermidor, âgé de 93 ans.
Vendredi 25 avril, 14 h, Hôtel Drouot, salle 1-7, SVV Beaussant-Lefèvre.
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