Q UI, finalement, pourrait mieux décoder le « plan Juppé » que celui qui lui a donné son nom et l'a arraché aux forceps, imperturbablement droit dans ses bottes ?
Cinq ans après cet épisode qui a marqué profondément le corps médical, Alain Juppé revient, dans un livre entretien avec le journaliste Serge July (1), sur son plan de réforme de la Sécurité sociale, tente d'en expliquer la « philosophie », d'en souligner le courage et d'en retenir les acquis.
En quelques pages, l'homme assume ses choix avec une forme de fierté sans s'exonérer, toutefois, de tout reproche. « Tout notre plan, explique l'ancien Premier ministre , reposait sur l'idée que, pour maîtriser l'évolution des dépenses, il fallait agir sur l'offre de soins plutôt que sur la demande. Ce qui revenait à responsabiliser les prescripteurs. Le corps médical n'était pas fermé à cette approche. »
Et de citer l'évaluation de la qualité des soins en ville comme à l'hôpital, l'informatisation des cabinets, les références médicales opposables, le codage des actes, autant de mesures qui visaient, selon lui, à instaurer une politique de maîtrise « médicalisée et individualisée » des dépenses de santé. « Tel était l'objectif, et tous y adhéraient », martèle Alain Juppé. Tout le reste, explique-t-il en substance, ne serait qu'un immense malentendu, une affaire de calendrier mal maîtrisé. « Ce qui a provoqué le blocage, puis la rupture entre le gouvernement et le corps médical, c'est que pris par l'urgence - il fallait absolument arrêter la dérive dans un contexte de stagnation économique où les recettes rentraient mal - et conscients que nous ne disposerions pas des outils d'évaluation médicalisée et individualisée avant de longs mois, voire avant plusieurs années, nous avons voulu instaurer, en cas de dépassement des normes globales de progression des dépenses d'assurance-maladie, un mécanisme de reversement d'honoraires par les praticiens qui a été ressenti, non sans raison, comme reposant sur des critères comptables plus que médicaux et globaux plus qu'individuels. D'où le sentiment d'une pénalisation collective injuste. » Autrement dit, l'urgence aurait commandé au gouvernement d'imposer immédiatement aux médecins l'inverse (les sanctions collectives sur critère comptable) de ce qu'il voulait réellement mettre en place (la maîtrise médicalisée, le juste soin). Chacun appréciera cette lecture. « Soucieux de la cohérence générale de mon plan, et désireux d'obtenir des résultats rapides, je n'ai pas voulu renoncer », ajoute Alain Juppé.
On ne sait, finalement, si l'homme a été meurtri par cet échec, qui a contribué à la défaite de la droite en 1997. L'intéressé préfère retenir « l'acquis essentiel » de son plan : l'institution des lois annuelles de financement de la Sécu, la création des agences régionales de l'hospitalisation « qui ont fait du bon travail », des URCAM « qui devraient servir de support à une nécessaire décentralisation du système », la réforme du financement, etc. Alain Juppé endosse volontiers les habits d'un précurseur incompris. Cette réforme de l'assurance-maladie « restera un temps fort dans la vie de notre Sécurité sociale » et, conclut-il, elle « aura provoqué un choc salutaire ».
(1) Alain Juppé et Serge July « Entre quatre z'yeux » (Grasset, 2001).
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