De notre correspondante
C'EST L'ALERTE ROUGE. Rouge comme la colère qui animait la cinquantaine de référents qui se sont réunis à Lyon.
Au début de la soirée, dédiée à l'élaboration d'un plan de bataille, les motifs de guerre ont été successivement égrenés. L'accent a été mis sur la suppression de l'option référent prévue par la nouvelle convention, « malgré les nombreuses avancées induites » par ce dispositif, a répété le secrétaire général de MG-69, Roger Bolliet. Il a aussi souligné combien ce système « avait ramené de la dignité et de la solvabilité aux patients ». Dans sa commune d'exercice, Vaulx-en-Velin, vingt-trois généralistes sur les trente installés ont fait le choix d'être référents. Ils s'interrogent aujourd'hui sur le devenir des centaines de patients en difficulté qui ne bénéficieront bientôt plus de l'option.
Journée « médecine générale morte ».
Au-delà de cette question spécifique, « tout est fait pour enlever les acquis de la profession de généraliste », a observé Vincent Rebeillé-Borgella, secrétaire général de MG-France, qui a dénoncé la convention récemment signée. « Les compteurs sont remis à zéro », a-t-il affirmé, avant de s'emporter : « En France, cela s'appelle la restauration ! ». La comparaison avec cette période, marquée simultanément par le retour de la monarchie et par l'essor économique de la bourgeoisie d'affaires, n'a pas été choisie au hasard : « Nous nous demandons si les ultralibéraux n'ont pas tout fait pour faire échouer la réforme, afin de pouvoir dire en 2007 : voyez, les généralistes n'ont pas joué le jeu, il faut privatiser », avance le Dr Rebeillé-Borgella, qui ne craint pas de politiser le débat conventionnel.
Attentif à tous ces préambules, l'auditoire n'a pas tardé à réagir. « Dans ma commune, les collègues refusent cette convention de spécialistes », rapporte le Dr Xavier Lainé, généraliste à Oullins. Il n'en fallait pas plus pour que la tension monte d'un cran et que les témoignages fusent de toutes parts : les uns évoquant « de nombreux confrères très remontés », les autres un accord « scandaleux » ou « inique ». Pour les organisateurs de la soirée, le moment était venu d'appeler à manifester le 22 janvier, à Paris, aux côtés de l'Isnar-IMG. Les référents ont donc décidé, à l'unanimité, de s'engager dans un double mouvement de grève : une journée « médecine générale morte », impliquant la fermeture de tous les cabinets le 22 janvier et une participation massive à la manifestation.
Dans une lettre rédigée la veille de la réunion, MG-69 avait d'ailleurs pris les devants en appelant tous les généralistes du Rhône à manifester. Des missives sont également parties en direction des députés du Rhône afin de solliciter leurs appuis. Certains référents ont fait savoir qu'ils avaient pris l'initiative d'interpeller quelques partis politiques, les Verts et le PS, ainsi que des responsables d'association. Pour sensibiliser la population, de multiples autres propositions ont été lancées, comme la conduite d'actions de santé publique dans la rue, une grève de la télétransmission et la signature de contrats référent « à tour de bras ». Au fil du débat, quelques dissensions sont toutefois apparues sur la conduite à tenir vis-à-vis des récents formulaires de médecin traitant. Aussi le Dr Rebeillé-Borgella a-t-il tenté de convaincre ses confrères qu'il fallait refuser de signer : « C'est un argument de blocage », a-t-il expliqué, assurant que si, au 1er juillet, le gouvernement n'obtenait pas 40 % de formulaires signés, il subirait un « camouflet ». Le ton est donné.
Collectif.
Quelques adeptes de la grève dure ont évoqué l'action des médecins belges contre leur gouvernement, il y a quelques années : « En trois jours, ils ont obtenu ce qu'ils voulaient », a rappelé un généraliste. « Nous optons plutôt pour une logique d'action progressive », a répondu le Dr Pascal Dureau, président de MG-69, « tout en étant déterminé à aller le plus loin possible ».
La soirée s'est achevée sur un appel aux adhérents potentiels : « Si MG-France obtient des adhésions massives, ce sera un signal politique fort. » Les référents se sont quittés peu avant minuit, dans une atmosphère de veillée d'armes. Moins de vingt-quatre heures plus tard, un collectif de défense de l'accès aux soins, formé de représentants de MG-69, de la section Rhône de l'Isnar-IMG, de la CGT, de l'UD-Cfdt et d'associations de malades, était créé à Lyon. Cette nouvelle « union sacrée » s'est traduite par un appel aux usagers à ne pas remplir le formulaire de médecin traitant.
Un « parcours du combattant » selon usagers et familles
Le Ciss (usagers de la santé), la Fnath (accidentés de la vie) et l'Unaf (familles) ont jugé que la convention médicale mettait « en place un véritable parcours du combattant pour les assurés » et « risque de créer une médecine à deux vitesses », en autorisant, pour les spécialistes « consultés directement sans recours préalable au médecin traitant, les dépassements d'honoraires ».
« Nos trois organisations estiment que cet accord est dangereux pour l'équilibre financier de l'assurance maladie comme pour la qualité des soins en ce qu'il assure presque 500 millions d'euros de revalorisations d'honoraires aux médecins, sans contrepartie ni engagement sur l'organisation et la qualité des soins et en hypothéquant par avance sur près d'un milliard d'économies de prescriptions (affections longue durée, arrêts maladie, antibiotiques,) », écrivent-elles.
Impact financier de la convention sur les honoraires
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Année pleine (millions d'euros) |
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Rémunération médecin traitant | 293 |
Financements par redéploiement (Pires, option médecin référent) | -90 |
203 | |
Permanence des soins | 70 |
Généralistes : majoration de 5 euros sur 0-2 ans (consultations et visites) | 70 |
Ensemble des mesures touchant les honoraires opposables des généralistes | 343 |
Prise en charge supplémentaire d'avantages sociaux (7,2 %) | 25 |
Ensemble des mesures touchant les généralistes | 368 |
Valorisation du parcours de soins | |
Spécialistes du secteur I | 163 |
Spécialistes en secteur optionnel (y compris prise en charge d'avantages sociaux) |
83 |
Mesures spécifiques concernant certaines spécialités financement par redéploiement (Pires, contrats de bonnes pratiques) |
23 -40 |
Ensemble des mesures relatives aux spécialistes (hors dépassements) | 229 |
Moindres dépassements liés la mise en place du secteur optionnel | - 31 |
Dépassements du secteur I sur actes cliniques | 60 |
Dépassements du secteur I sur actes techniques | 102 |
Ensemble des mesures touchant les dépassements des spécialistes | 131 |
Ensemble des mesures touchant les spécialistes | 360 |
Total | 728 |
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