Cette semaine dans le « Lancet », un article, une lettre et un éditorial ont pour sujet l'association entre un polyomavirus, le virus simien 40 (SV40) et le lymphome non hodgkinien (LNH). « On ne peut plus parler de découverte de pur hasard, mais la manière dont le SV40 est transmis à l'homme et la prévalence de l'infection restent à préciser », indique l'éditorialiste.
La lettre relate le travail de Narayan Shivapurkar et coll. (Dallas et Seattle)*, qui ont réalisé une analyse de près de 400 tumeurs et tissus contrôles. Ils identifient la présence du SV40 en trouvant des séquences d'ADN spécifiques dans les tumeurs de 43 % (n = 29) des 68 patients souffrant d'un LNH, tandis qu'il n'est présent que dans 9 % des 31 lymphomes hodgkiniens.
Quant au taux de positivité pour le SV40 dans la population générale et chez des patients souffrant d'un cancer autre qu'osseux (tumeurs épithéliales de l'adulte et de l'enfant), il s'échelonne entre 0 et 6 %.
Recherche de matériel génétique
Le SV40 est un virus connu pour son potentiel oncogène. Il a déjà été associé à certains types de tumeurs humaines, mais jamais encore à des lymphomes.
Dans l'article, Regis Vilchez et coll. (Huston, Etats-Unis)** disent avoir réalisé la recherche de matériel génétique spécifique de SV40 dans plusieurs types de situations : d'une part, des LNH présents chez 76 patients infectés par le VIH1 et 78 patients indemnes de cette infection ; d'autre part, des tissus lymphoïdes non malins pris chez 79 VIH1 positifs et chez 107 VIH1 négatifs. 54 cancers du côlon et du sein ont servi de contrôle. Vilchez et coll. confirment les observations de Shivapurkar, en détectant des séquences spécifiques de SV40 dans 42 % (64/154) des LNH, tandis qu'aucun des échantillons de tissu lymphoïde non lymphomateux ni aucun des autres cancers ne montrent la présence du virus. Les taux et les différences sont similaires chez les patients infectés par le VIH1 ou non infectés. Ce qui représente un fait nouveau pour les auteurs.
« Les séquences de SV40 sont surtout trouvées dans les lymphomes diffus à lymphocytes B et à cellules folliculaires », précisent-ils, par ailleurs.
Transmis à l'homme entre 1955 et 1963
On sait que le SV40 a été transmis pour la première fois à l'homme entre 1955 et 1963, par l'intermédiaire de lots de vaccin antipoliomyélitique. Des formes de vaccins vivants atténués et inactivés ont été préparées sur des cellules rénales de singes rhésus, dont certains étaient infectés par le SV40, alors inconnu. Des études ont montré que le SV40 avait survécu à l'inactivation vaccinale.
Les travaux du « Lancet » font allusion à des faits qui ont eu lieu aux Etats-Unis.
D'autres études séro-épidémiologiques ont montré que le SV40 existe chez 11 % des individus non infectés par le VIH1, dont certains sont nés après 1963 et ne peuvent donc pas avoir été contaminés par un vaccin.
Dans l'étude publiée par Vilchez et coll., cinq patients présentant des lymphomes séropositifs pour SV40 sont nés après 1963. Observations qui confirment des travaux antérieurs et qui indiquent que le SV40 peut avoir contaminé des êtres humains longtemps après l'utilisation des vaccins incriminés.
Shivapurkar et coll. rappellent des travaux antérieurs chez le hamster, qui ont montré une association entre le SV40 et des tumeurs cérébrales, osseuses, pleurales et des lymphomes à cellules B. De fait, le virus a été incriminé dans les mêmes types de tumeurs malignes humaines. En revanche, la connexion avec le LNH est une nouveauté.
L'existence d'un lien entre les lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens et l'EBV (Epstein-Barr) a été recherchée il y a vingt ou trente ans. Quoi qu'il en soit, l'étude de Vilchez et coll. contredit l'hypothèse d'un lien fort : peu de tumeurs sont trouvées positives pour EBV et SV40. Toutefois, on ne peut exclure que des résultats contradictoires reflètent des différences techniques, souligne l'éditorialiste (David Malkin, Toronto)***.
Comme on sait que le SV40 active une protéine qui interagit avec le contrôle du cycle cellulaire normal, créant des cellules malignes immortelles, la découverte d'une implication du SV40 dans les LNH permet de penser à la réalisation d'un outil de détection précoce.
« Lancet », vol. 359, 9 mars 2002, * pp. 851-852 ; ** pp. 817-823 ; *** pp. 812-813.
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