Le lymphdème héréditaire (ou primaire) de l'homme, également appelé maladie de Milroy, est un trouble du développement dans lequel les vaisseaux lymphatiques cutanés ne peuvent pas assurer le transport du liquide lymphatique ; il en résulte un gonflement des extrémités.
Des données sont mal connues, notamment les mécanismes moléculaires de l'affection, l'influence des facteurs environnementaux, le caractère variable de l'âge de survenue du lymphdème. La scintigraphie en fluorescence et la lymphoscintigraphie révèlent un déficit fonctionnel du système lymphatique au niveau du site des dèmes.
Actuellement, le lymphdème est traité par le drainage manuel ou des bandages compressifs. Mais la découverte de gènes spécifiques impliqués dans la pathogénie du lymphdème permet maintenant d'envisager des traitements plus ciblés.
Trait autosomique dominant à expression variable
Cette maladie est autosomique dominante avec pénétrance réduite, expression variable et, comme nous l'avons déjà dit, un âge variable du début des symptômes.
Plusieurs groupes ont rapporté une liaison avec le chromosome 5q. Dans plusieurs familles, on a déjà mis en évidence une forme mutante, inactive, du VEGFR-3 (Vascular Endothelial Growth Factor de type 3).
Le VEGFR-3 est l'un des rares gènes exprimés presque exclusivement dans les cellules endothéliales lymphatiques de l'adulte, même s'il est nécessaire à la mise en place de la vascularisation sanguine chez l'embryon.
On sait que, chez la souris, l'hyperexpression des ligands de VEGFR-3 (VEGF-C et VEGF-D) au niveau de la peau induit la formation d'un réseau lymphatique hypertrophié. Des résultats identiques ont été obtenus avec le mutant C156S du VEGF-C, qui est spécifique de VEGFR-3 ; ce qui indique que la croissance lymphatique est régulée par ce récepteur.
Dans un travail rapporté dans les « Proceedings » de l'Académie des sciences américaine, Marika Karkkainen et coll. (dans l'équipe internationale : Anne Eichmann, CNRS) a étudié la souris mutante Chy, qui développe une ascite chyleuse (d'où son nom) après la naissance. Les chercheurs montrent que, comme chez l'homme atteint de lymphdème héréditaire, cette souris possède une mutation inactivante hétérozygote de VEGFR-3, avec un dème des membres lié à un défaut en vaisseaux lymphatiques sous-cutanés. Chez cette souris, les auteurs ont testé les effets d'une thérapie génique utilisant le VEGF-C, introduit à l'aide d'un vecteur viral. Ils montrent que l'hyperexpression de ce ligand de VEGFR-3 induit la croissance de vaisseaux lymphatiques fonctionnels au niveau de la peau.
« La maladie de Milroy pourrait ainsi constituer un exemple de maladie humaine héréditaire dans laquelle la thérapie génique semble faisable et elle pourrait devenir un paradigme pour d'autres maladies associées à des récepteurs mutants », estiment les auteurs.
Dans la peau, le VEGF-D est exprimé au voisinage du réseau lymphatique superficiel et peut être régulé par des contacts de cellule à cellule dans le derme, alors que le VEGF-C est seulement faiblement exprimé.
Lymphdème traumatique ou chirurgical, filariose
« Nos résultats chez la souris Chy suggèrent que l'hyperexpression des ligands de VEGFR-3 pourrait aussi être utilisée chez les patients, via un transfert plasmidique ou viral ou via l'administration de la protéine dans des tissus non touchés. De tels traitements pourraient être encore plus efficaces dans des formes non héréditaires et plus régionales de lymphdème, résultant de traumatismes, d'actes chirurgicaux ou de destruction lymphatique, par exemple après filariose. »
Le cas difficile du cancer du sein
Puisque le VEGF-C se lie aussi au VEGFR-2 sur l'endothélium vasculaire, ajoutent les auteurs, il est capable de stimuler la perméabilité vasculaire et, dans certaines conditions, l'angiogenèse. En raison de possibles complications liées à l'dème tissulaire ou à l'angiogenèse tumorale accélérée, le mutant VEGF-C156S, spécifique de VEGFR-3 pourrait être un choix plus attractif pour des applications thérapeutiques.
Un dernier point doit être abordé. La lymphogenèse tumorale a été associée au développement des métastases ganglionnaires ; aussi, le traitement du lymphdème du bras après lymphadénectomie axillaire dans le cancer du sein pourrait poser un problème. Toutefois, indiquent les auteurs, la demi-vie du VEGF-C dans la circulation est courte et la VEGF-C thérapie semble pouvoir fonctionner sans effet systémique.
« Proc Natl Acad ci USA .
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature