LA REPRISE de « AndréAuria » du Canadien Edouard Lock, créé au palais Garnier en 2002, était-elle un bon choix pour ouvrir une soirée aussi riche ? Certes, il s’agit d’une composition très virtuose, idéale pour mettre en valeur les jeunes solistes qui s’y illustrent, sur une musique peu dérangeante avec ses allures new age, jouée par deux pianistes sur scène. Beaucoup d’énergie se dégage de cette danse très rythmée et toujours élégante, dont l’argument ne semble jamais vraiment suivi par la chorégraphie. Mais sa longueur (45 min) est un peu décourageante. La soirée aurait été certainement plus équilibrée en présentant en deux parties les deux seules oeuvres suivantes.
« White Darkness », qui faisait, on s’en réjouit, son entrée au répertoire du Ballet, a été créé à Madrid en 2001 par la Compañia Nacional de Danza, la propre compagnie de Nacho Duato, qui l’avait présentée lors d’une longue visite au théâtre du Châtelet en mars 2005. On retrouve avec bonheur cette courte chorégraphie (25 min) qui exploite avec des images fortes sur un très beau montage (musique enregistrée) d’oeuvres chambristes du Gallois Karl Jenkins le parcours d’une femme séduite et soumise à l’addiction de la drogue.
Le style de Duato est toujours un mélange bien personnel du formalisme et de l’élégance hérités de son maître Jiri Kylian et d’une sensualité bien espagnole. La pièce paraît un peu plus formelle peut-être, moins sensuelle, avec ses nouveaux interprètes, mais comment résister à la formidable incarnation dans ce tourbillon des deux danseurs étoiles Marie-Agnès Gillot et Wilfried Romoli et de l’harmonie des corps des plus jeunes danseurs du Ballet ?
Entrée fracassante.
Mais l’événement le plus attendu de la soirée (et de la saison), et qui n’a pas déçu, était l’entrée dans la maison du chorégraphe français Benjamin Millepied. On ne reviendra pas sur la carrière américaine et maintenant européenne de ce jeune chorégraphe très doué dont on a pu récemment admirer le travail à la dernière Biennale de Lyon (« le Quotidien » du 9 octobre).
L’Opéra de Paris lui a offert une entrée luxueuse et fracassante avec la possibilité de chorégraphier sur de la musique vivante. Son choix s’est porté sur « Einstein on the Beach » dont il a extrait une quarantaine de minutes avec la bénédiction de Philip Glass, magnifiquement interprété dans la fosse, sous la direction de Nico Muhly, par le choeur de chambre Accentus et le soprano Kristina Vahrenkamp.
Luxe aussi pour des costumes inspirés de l’Antiquité et réalisés par Marc Jacobs, le styliste de Vuitton, des tenues paraissant être tissées dans le métal sans créer aucune raideur sur les corps, un exploit ! Et les superbes toiles de fond du peintre Paul Cox, évoquant des graphiques en couleur sur du papier millimétré en constante évolution.
Dans ce cadre parfait, Millepied a créé une chorégraphie pour vingt danseurs très complexe, pas toujours maîtrisée dans les ensembles, mais magnifique, pleine d’idées dans les mouvements et très lisible cependant. Pas vraiment d’arguments, mais, à l’instar du « Sacre », une histoire rituelle, tribale, avec deux élus magnifiquement interprétés par Aurélie Dupont et Nicolas Le Riche.
De vocabulaire très riche, à la fois classique (la première partie est dansée sur pointe) et contemporain, cette chorégraphie possède une grande force stimulante et une originalité attachante. Mais c’est bien d’amour qu’il s’agit et la pièce s’achève, comme dans la pièce de Robert Wilson, par une très belle ode lue avec gravité par le comédien américain Johnny Moore, ultime mais indispensable luxe pour une création que l’on n’est pas prêt d’oublier et dont on imagine que la reprise s’impose très prochainement.
Ballet de l’Opéra de Paris : 0.892.89.90.90 et www.operadeparis.fr. Prochains spectacles : « Giselle » du 8 au 30 décembre (Garnier) et « Coppélia du 15 décembre au 4 janvier (Bastille).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature