D EUXIEME cause de mortalité en France derrière les affections cardio-vasculaires, le cancer, qui représentait environ 28 % des décès en 1997, ne bénéficie toujours pas d'une politique spécifique, déplore la mission d'information de la commission des Affaires sociales du Sénat sur la politique de lutte contre le cancer.
Après la sévère mise en cause par la Cour des comptes, en septembre 2000, de la politique de lutte contre le cancer dans notre pays, les sénateurs ont voulu « examiner la situation, recouper et réunir toutes les informations, afin de définir une politique complète de lutte à tous les niveaux », explique Lucien Neuwirth, sénateur RPR de la Loire et rapporteur de la mission sénatoriale. « La réalité, c'est que, pendant 20 à 30 ans, tous les gouvernements se sont reposés sur l'action de la Ligue nationale contre le cancer et celle de l'ARC », dit-il. Il en résulte « une mobilisation insuffisante de la population et des professionnels de santé, des difficultés de coordination, des responsabilités mal identifiées, une articulation avec la prise en charge thérapeutique peu organisée ». Des observations que la mission emprunte à la Cour des comptes, parce qu'elles sont, selon elles, « justes et affolantes ».
Un ministre avec les mains libres
Pour Lucien Neuwirth, il existe un préalable à toute mise en uvre d'une politique de lutte contre le cancer, préalable qu'il résume ainsi : « Il faut un ministre de la Santé qui ait les mains libres, qui dispose d'un budget autonome, qui ait le droit de définir une politique de santé et de s'y tenir. » « La tutelle, si qualifiée soit-elle, exercée sur le département ministériel de la santé n'est plus de mise. »
A l'occasion de ses différentes auditions, la mission du Sénat a également constaté qu'il fallait une instance « définissant le cap de la politique française de lutte contre le cancer ».
Depuis 1989, les cancers sont en France la première cause de mortalité pour les hommes (33 % des décès masculins), qui meurent 1,6 fois plus de cancer que les femmes. Chez la femme, les cancers sont responsables de 23 % des décès et constituent la deuxième cause de mortalité, après les maladies cardio-vasculaires.
Propositions
Prévention, dépistage, veille épidémiologique, recherche, prise en charge du malade, etc. : la mission sénatoriale formule de multiples propositions pour mener une véritable politique de lutte contre le cancer. Elle suggère d'être « plus ambitieux » en matière de prévention, de sensibiliser les médecins généralistes à la prévention, en valorisant - pourquoi pas - la tarification de leurs consultations. Dans le dépistage du cancer du sein, les sénateurs s'interrogent sur l'opportunité d'abaisser l'âge du dépistage. Il faut, disent-ils, « renforcer les moyens financiers consacrés au fonctionnement des registres et faire un bilan coûts/avantages de la création éventuelle d'un registre national du cancer ». La création d'un « Institut national de la recherche contre le cancer » serait l'occasion d' « impliquer davantage l'Etat dans la financement de la recherche contre le cancer ». Les sénateurs plaident enfin pour que la prise en charge globale du malade intervienne dans le cadre des réseaux de soins coordonnés en cancérologie.
« L'essentiel de toute politique de santé est de protéger l'Homme. C'est pourquoi l'Homme malade doit être entouré de toute la considération que mérite l'être humain », note la mission sénatoriale. Selon elle, les malades doivent être des « partenaires à part entière » du combat contre leur propre maladie, des citoyens à part entière pour qui la maladie doit cesser d'être un stigmate, des « êtres humains à part entière » bénéficiant d'un soutien psychologique. Et de conclure que « toute politique nationale de lutte contre le cancer qui ignorerait ces légitimes revendications serait condamnée à l'échec ».
Le cancer en France
Le cancer du poumon arrive en tête des causes de décès par cancer, suivi par le cancer de l'intestin, puis par celui des voies aérodigestives supérieures. Le cancer de la prostate ferme la liste, après le cancer du sein. Les cancers le plus souvent responsables du décès sont, chez l'homme, le cancer du poumon (23 % des décès), et chez la femme, le cancer du sein (19 %). Par ailleurs, les cancers représentent, en 1997, la première cause de décès prématuré avec 36 % de l'ensemble des décès avant 65 ans chez l'homme et 43 % chez la femme. Cette part a augmenté de près de 2 % entre le début et la fin des années quatre-vingt. L'incidence nationale estimée des cancers est en augmentation régulière depuis 1975 aussi bien chez les hommes que chez les femmes, avec une augmentation plus marquée chez les premiers (+ 21 % contre + 17 %). Chez les femmes, les cancers du sein ont augmenté de 60 %, expliquant à eux seuls 93 % de l'augmentation globale de l'incidence. Cette augmentation est en partie expliquée par le diagnostic plus précoce en relation avec le dépistage. La France présente des taux de cancers particulièrement élevés, de 10 à 25 % supérieurs chez l'homme aux taux des autres pays européens.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature