Mastocytoses
Les mastocytoses constituent un groupe très hétérogène d'affections chroniques dont le point commun est la prolifération de mastocytes.
Les mastocytes sont des cellules originaires de la moelle osseuse. Elles migrent secondairement dans la plupart des organes où elles constituent une première ligne de défense immunitaire, renfermant dans leur cytoplasme de nombreux granules riches en histamine, en prostaglandines, en leucotriènes, en héparine et en diverses enzymes.
L'hétérogénéité des mastocytoses provient, d'une part, des organes impliqués dans la prolifération mastocytaire et, d'autre part, du profil évolutif de l'affection.
La peau est de loin l'organe le plus touché, soit seul (mastocytose cutanée pure), soit dans le cadre d'une atteinte plus large, osseuse, hépatosplénique, digestive ou hématologique (mastocytose systémique). L'atteinte cutanée s'inscrit en général dans un tableau de mastocytose dite « indolente », de bon pronostic, par opposition aux formes plus sévères où l'atteinte cutanée manque souvent (formes associées aux syndromes myélodysplasiques ou myéloprolifératifs, formes systémiques agressives, leucémies mastocytaires).
Deux volets
De tous ces tableaux cliniques, le plus fréquent reste « l'urticaire pigmentaire ». Il s'agit d'une affection rare, essentiellement pédiatrique (début avant 15 ans dans 60 % des cas). Les manifestations cliniques s'articulent autour de deux volets distincts, d'une part, la prolifération cutanée mastocytaire, d'autre part, le « relargage » des médiateurs cytoplasmiques mastocytaires (manifestations dites « congestives »).
Clinique
- L'éruption cutanée est faite de macules lisses, brun-rouge, de quelques millimètres à quelques centimètres de diamètre, de nombre variable (de moins de 10 à plusieurs centaines). Elles se localisent préférentiellement au tronc et aux membres. Leur friction accidentelle ou provoquée induit leur turgescence. C'est le signe de Darier, à bien distinguer d'un dermographisme, pour lequel la turgescence déborde les limites lésionnelles. Recherché prudemment au cours de l'examen physique, ce signe est quasiment pathognomonique et constitue ainsi une véritable clé diagnostique.
- Les manifestations congestives, quant à elles, sont très variables d'un sujet à l'autre. Elles associent prurit, urticaire, dermographisme, bouffées vasomotrices (« flush »), céphalées, nausées, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales, dyspnée asthmatiforme, rhinorrhée... Au pire, elles peuvent mettre en jeu le pronostic vital par choc anaphylactoïde (deux décès dans la série de cinquante-huit cas de mastocytoses systémiques rapportés par Travis, 1988). Ces manifestations peuvent être spontanées ou provoquées par divers facteurs médicamenteux, alimentaires ou physiques ( cf. liste). On soulignera en particulier le risque inhérent à l'anesthésie générale, aux examens avec injection de produits de contraste iodés et à l'utilisation chez l'enfant de sirops antitussifs codéinés.
Une biopsie de confirmation
Le diagnostic de l'urticaire pigmentaire, suspecté cliniquement, doit être confirmé par la biopsie cutanée, du moins chez l'adulte, et complété, dans ce cas, par un bilan d'extension orienté à la recherche d'une atteinte systémique (présente chez la moitié des patients adultes).
Évolution
L'évolution des urticaires pigmentaires apparues après la puberté se fait en règle vers la persistance des lésions et requiert un suivi régulier. En revanche, les formes pédiatriques régressent dans 50 % des cas sans séquelles à la puberté.
Thérapeutique
Au plan thérapeutique, il n'existe aucun traitement spécifique susceptible de contenir la prolifération mastocytaire. En revanche, les manifestations congestives peuvent être contrôlées, en particulier par les antihistaminiques et surtout, elles doivent être prévenues. Leur prévention passe par :
- l'éviction des médicaments à risque, en particulier en cas d'anesthésie générale ;
- l'éviction des situations à risque (friction, bains chauds par exemple chez l'enfant) ;
- la prémédication préalable à tout examen radiologique avec injection de produits de contraste iodés ;
- le port d'une carte faisant mention du diagnostic ;
- la possession d'une trousse d'urgence contenant antihistaminique, corticoïdes et adrénaline auto-injectable, en cas de réactions anaphylactoïdes sévères antérieures ou d'allergie aux piqûres d'hyménoptères.
Au total
L'urticaire pigmentaire est une affection assez rare, certes. Cependant, savoir la reconnaître, c'est aussi pouvoir en prévenir la complication la plus grave, le choc anaphylactoïde. Voilà exactement cent ans que Ferdinand-Jean Darier décrivit le signe qui porte son nom. Celui-ci n'a rien perdu de sa pertinence. Continuons donc, sur les pas de ce grand dermatologue, de « frictionner » les lésions cutanées pigmentées de diagnostic hésitant...
Facteurs déclenchants des manifestations congestives
Médicaments
Salicylés, Ains, codéine, morphine, protamine, amphétamines, macromolécules (Dextran), produits de contraste iodés, anesthésiques généraux (tubocurarine, halothane), polymyxine B, colimycine, néomycine, amphotéricine B, réserpine, hydralazine, thiamine, quinine, scopolamine, pilocarpine, chymotrypsine, Acth.
Traumatismes
Interventions chirurgicales, coups, changements de températures (bains, efforts physiques, fièvre, brûlure, exposition solaire), stress, émotions, piqûres de guêpes, abeilles, morsures de serpents.
Aliments histaminolibérateurs*
Alcool, crustacés, tomate, épices, blanc d'œuf, fraise, banane, ananas, fruits exotiques, cacahuète, noix, noisettes, chocolat.
Aliments riches en histamines*
Vin, choucroute, fromages fermentés, charcuterie, conserves, fruits de mer.
* Le régime d'exclusion strict n'est cependant pas systématiquement recommandé dans la prévention des manifestations congestives des mastocytoses.
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