APRÈS TORONTO en 2006, c'est au Mexique que l'IAS (International Aids Society) organise la 17e Conférence internationale sur le sida, la première en Amérique latine. Plus de 25 000 personnes y sont attendues. Le thème choisi, « Universal Action Now » (« Pour une action universelle maintenant »), souligne que la riposte garde son caractère d'urgence. L'épidémie reste majeure : 33,2 millions de personnes vivent avec le VIH, selon le dernier rapport de l'ONUSIDA. L'année dernière, 2,5 millions de nouvelles contaminations ont été enregistrées. Même si le cap des 3 millions de séropositifs traités par des antirétroviraux a été franchi, 6,7 millions de personnes sont encore en attente d'un traitement. Surtout, l'épidémie reste active : «Pour une personne mise sous antirétroviraux au Sud, quatre se contaminent», rappelle le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l'ANRS (Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites).
Selon lui, la prévention sera un des thèmes forts de la conférence de Mexico. «Un retour en force», en quelque sorte, avec, en particulier, les premiers résultats de la mise en place de la circoncision comme moyen de prévention dans certains pays du Sud. Les premières données sur la nouvelle génération de microbicides sont également attendues. Contrairement à l'ancienne génération, dont l'activité antivirale n'était pas spécifique et qui avait une toxicité globale, la nouvelle utilise des antirétroviraux à activité spécifique. «Savoir s'ils sont bien tolérés et non toxiques pour la muqueuse vaginaleest fondamental», explique le Pr Delfraissy. Dans le domaine de la prévention de la transmission mère-enfant, les données devraient confirmer les résultats récents parus dans le « New England Journal of Medicine » sur l'intérêt de traiter l'enfant pendant l'allaitement.
Surtout, le débat sur l'utilisation à visée préventive des ARV devrait resurgir. «Le débat est parti du Nord, explique le Pr Delfraissy, mais le vrai enjeu est au Sud. Jusqu'ici, l'indication des traitements était thérapeutique (taux de CD4 inférieur à 200/mm3) . La question se pose aujourd'hui de les instaurer de manière plus précoce, non plus pour un bénéfice individuel, mais avec une visée de santé publique.»
Le vaccin en question.
Les discussions sur la vaccination auront lieu alors que le NIH (National Institute of Health) américain vient de mettre un terme à un projet d'essais cliniques (étude PAVE 100) qui devait inclure 8 500 volontaires aux États-Unis, en Amérique du Sud, dans les Caraïbes et en Afrique. Cet arrêt survient quelques mois après l'échec annoncé du vaccin des Laboratoires Merck, qui avait montré un risque d'infection plus élevé dans le groupe des sujets vaccinés (« le Quotidien » du 12 novembre 2007). Un retour vers la recherche semble s'imposer : «C'est le cas à l'ANRS où, depuis dix-huit mois, nous sommes revenus à une recherche très fondamentale sur le vaccin», souligne le Pr Delfraissy. Les résultats décevants des essais ont, selon lui, fait naître «un lourd contentieux qui va faire l'objet de discussions à Mexico». Les communautés et les acteurs politiques du Sud s'interrogent et craignent d'avoir été l'objet d'expérimentations, ce qui pourrait hypothéquer la réalisation de futurs essais sur un vaccin.
Sur le plan de la recherche thérapeutique, une session particulière est réservée aux nouveaux antirétroviraux, en particulier les inhibiteurs d'intégrase. De même, la place des anti-CCR5 sera discutée. La décision des Laboratoires Roche de suspendre la recherche sur de nouveaux traitements ne semble pas être le signe d'un retrait de l'industrie pharmaceutique dans le champ de la recherche sur le VIH, qui demeure actif. «C'est plutôt une décision réaliste. Nous ne sommes plus au début de l'infection, les nouvelles molécules doivent vraiment apporter quelque chose de plus», souligne le Pr Delfraissy.
Des associations bien présentes.
Le prix des médicaments, notamment ceux de deuxième et troisième lignes, pour lesquels il n'existe pas encore de génériques, devrait aussi être à l'ordre du jour. Mais, surtout, seront débattus les besoins de financement : il manquait encore 8,1 millions de dollars en 2007 et 35 milliards seront nécessaires en 2010 pour atteindre l'objectif d'un accès universel. Paradoxalement, les pays ont du mal à faire face aux financements qui commencent à arriver en raison de la faiblesse des systèmes de santé.
Avec l'ANRS, les associations françaises, en particulier AIDES, devraient être bien présentes. «Pour nous, l'enjeu est important. Jusqu'à présent, nous étions plutôt spectateurs. Cette année, nous serons bien mobilisés», explique son président, Bruno Spire. L'association présentera une trentaine de communications et lui-même interviendra en session plénière sur le thème de la prévention, en tant que président d'AIDES, mais aussi en tant que chercheur. Ce sera aussi l'occasion de donner plus de visibilité aux actions internationales de l'association, en particulier à la coalition Plus lancée en mai dernier, dont ce sera le baptême du feu. «AIDES a aussi été, avec Africagay, un des moteurs de la mobilisation des gays en Afrique. Une communication orale est prévue, ce qui semble marquer un changement. Car, jusqu'ici, la communauté gay en Afrique était ignorée et stigmatisée. Or les données commencent à montrer que, dans certains pays, les prévalences dans cette communauté sont quatre fois supérieures, voire plus, à celles de la population générale. Au Sénégal, par exemple, elle est de 22%, contre 1% pour le reste de la population», indique Bruno Spire.
Grâce à un partenariat avec l'IAS, organisateur de l'événement, la campagne « Si j'étais séropositif » lancée en France a été reprise en anglais. Des personnalités du congrès, comme Peter Piot (directeur de l'ONUSIDA), le Pr Kazatchkine (directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme) ou Bruno Spire ont prêté leur image pour montrer que le combat contre la discrimination et la stigmatisation était toujours actuel.
> Dr LYDIA ARCHIMÈDE
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