Faisons un saut en arrière, en 1976. Cette année-là, une publication (« Am J Med », 1976 ; 60 : 221-225) fait date dans le domaine du lupus : l'équipe d'Urowitz rapporte un infarctus du myocarde chez une jeune femme de 30 ans qui est atteinte d'un lupus depuis dix ans. Observation qui suggère une association entre lupus et athérosclérose accélérée.
Depuis, les études ont confirmé que les patients lupiques ont une augmentation de la morbidité et de la mortalité d'origine cardio-vasculaire. L'incidence de l'infarctus du myocarde est, chez eux, cinq fois plus élevée que dans la population générale ; pire : chez les femmes jeunes, le coefficient multiplicateur de l'incidence en fonction de l'âge est de 50. On en comprend mal les raisons ; en tous cas, le cholestérol, le tabac et l'HTA n'expliquent pas ces différences. On s'est donc interrogé sur le rôle de l'inflammation lupique, d'autant que l'athérosclérose semble, en partie, médiée par l'inflammation. Ou sur les rôle des traitements comme les corticoïdes.
Cela dit, on connaît mal la prévalence de l'athérosclérose associée au lupus ; il était donc légitime de chercher à en savoir davantage. Voilà qui est fait grâce à deux études américaines publiées aujourd'hui dans « The New England Journal of Medicine », chez des patients ayant un lupus depuis dix-quinze ans.
Plaques carotidiennes, calcifications coronariennes
L'une (Mary Roman et coll.) a comparé 197 patients lupiques à 197 contrôles, chez lesquels était recherchée une athérosclérose carotidienne. L'autre (Yu Asanuma et coll.) a porté sur 65 patients lupiques et 69 contrôles, chez lesquels on a recherché des calcifications coronariennes.
Schématiquement, les deux études ont trouvé une prévalence de l'athérosclérose plus élevée chez les patients. Chez les moins de 50 ans, elle est d'environ 33 %.
Globalement, les marqueurs de l'athérosclérose étaient positifs chez 31 à 37 % des patients contre 9 à 15 % des contrôles ; et, parmi les 50 ans et plus, chez 70 à 80 % des patients contre 21 à 45 % des contrôles.
L'odds ratio pour l'athérosclérose dans la population lupique est de 4,8 dans l'étude de Roman et de 9,8 dans celle d'Asanuma.
Aucune des deux études n'a trouvé de corrélation significative avec les marqueurs systémiques de l'inflammation comme les marqueurs de l'activité de la maladie ; toutefois, la plupart des mesures n'a été effectuée qu'une fois. Une association attendue avec une hyperlipidémie et une élévation de l'homocystéine n'a été trouvée que dans une des deux études.
Contrairement à ce que l'on attendait, la corticothérapie n'était pas associée à une augmentation significative du risque. Mieux : Roman et coll. montrent que les patients sans plaque carotidienne ont de plus fortes doses de prednisone et ont plus souvent recours à l'hydroxychloroquine et au cyclophosphamide que ceux qui ont des plaques ; ce qui suggère qu'un contrôle plus agressif de la maladie peut prévenir l'athérosclérose.
Pourquoi une athérosclérose accélérée se développe-t-elle chez les patients lupiques ? On n'en est qu'au stade des hypothèses portant sur des facteurs liés au lupus ou indépendants. Que peut-on faire ? « Les médecins devraient envisager une suppression agressive de l'activité de la maladie et des autres facteurs de risque d'athérosclérose », estime Bevra Hannahs Hahn, dans un éditorial. « Dans mon expérience, l'hypertension, l'hyperglycémie, l'obésité et l'hyperlipidémie sont souvent traitées de façon inadéquate dans le lupus. »
Une activité anti-inflammatoire
Se pose également la question des statines puisque, en plus de leur rôle sur les lipides, certaines ont une activité anti-inflammatoire. « Nous attendons tous les résultats d'essais prospectifs, y compris ceux qui évaluent les statines dans le lupus, le mycophénolate mofétil et le cyclophosphamide dans la néphropathie lupique, la sécurité des traitements hormonaux chez les femmes lupiques et les effets de plusieurs nouveaux agents biologiques sur l'activité de la maladie et la fonction rénale. »
« The ew England Journal of Medicine » du 18 décembre 2003, pp. 2399-2406, 2407-2415 et 2379-2380.
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