De notre correspondante
à New York
Le lupus érythémateux disséminé (LED) est une maladie auto-immune presque toujours accompagnée par la production d'autoanticorps, qui contribuent directement aux manifestations pathologiques. Mais ces anticorps précédent-ils l'apparition des symptômes du lupus ?
En fait, on ne sait pas grand-chose sur l'histoire auto-immune des patients avant la manifestation clinique de la maladie. Une étude d'Arbuckle (Oklahoma Medical Research Foundation) et coll. éclaire ce point.
Les investigateurs ont profité de la mine d'informations exceptionnelle que constitue le dépôt de sérum du ministère de la Défense américain. Depuis 1985, l'armée y conserve tous les échantillons sériques de son personnel, prélevés tous les deux ans à partir du recrutement. Le dépôt contient, à ce jour, pas moins de 30 millions d'échantillons recueillis chez plus de 5 millions de militaires.
En examinant les dossiers médicaux, les médecins ont identifié 130 patients atteints de lupus. Pour chacun, 4 témoins ont été sélectionnés au hasard parmi les militaires de même âge, sexe, ethnie et date de recrutement. Arbuckle et coll. ont ensuite recherché dans les échantillons sériques des patients et des témoins, les différents autoanticorps associés à l'affection.
Plusieurs années avant le diagnostic
Les résultats montrent que les symptômes sont précédés par une apparition d'autoanticorps, généralement plusieurs années avant le diagnostic clinique.
Quatre-vingt-huit pour cent des 130 patients étaient porteurs d'un ou de plusieurs autoanticorps lupiques avant le diagnostic - jusqu'à neuf ans plus tôt et, en moyenne, trois ans. Il est à noter que, au moment du premier prélèvement sanguin, seulement 25 % des 130 patients n'ont pas d'autoanticorps, aussi l'étude sous-estime-t-elle les durées entre l'apparition des autoanticorps et le diagnostic. En outre, 4 % des témoins sont aussi positifs pour un ou plusieurs autoanticorps.
La montée des autoanticorps suit généralement un cours prévisible chez les patients. En première vague arrivent les anticorps antinucléaires (chez 78 %), antiphospholipides (18 %), anti-Ro (47 %) et anti-La (34 %), peu spécifiques, qui apparaissent en moyenne trois ans avant le diagnostic. Viennent ensuite les anticorps plus spécifiques, anti-double brin d'ADN (55 %), deux ans avant le diagnostic, puis anti-Sm (32 %) et anti-ribonucléoprotéine nucléaire (26 %), un an en moyenne avant les symptômes.
Trois phases
Ainsi, les investigateurs dégagent trois phases :
- normale asymptomatique sans autoanticorps ;
- en présence d'une prédisposition génétique et de facteurs d'environnement, évolution vers une phase d'auto-immunité bénigne, avec des autoanticorps peu spécifiques (souvent trouvés chez les sujets normaux) ;
- une troisième phase d'auto-immunité pathogénique, avec présence d'autoanticorps plus spécifiques (anti-double brin d'ADN, anti-Sm et anti-ribonucléoprotéine nucléaire) et survenue des symptômes conduisant au diagnostic.
« Le nombre de types d'autoanticorps continue d'augmenter jusqu'au moment du diagnostic et de l'intervention thérapeutique », concluent les investigateurs. « Le lupus érythémateux disséminé, par conséquent, est le point culminant d'anomalies auto-immunes complexes qui débutent simplement et qui, ensuite, se disséminent et se multiplient. »
D'après le Dr Robert Shmerling (Harvard Medical School), auteur d'un commentaire, l'apparition des autoanticorps selon une séquence reproductible avant le début clinique du lupus offre des indices sur la pathogenèse. « Plus d'un facteur déclenchant de l'environnement pourrait être nécessaire pour induire la formation séquentielle des autoanticorps et les premiers, peu spécifiques, pourraient être impliqués dans la formation des autoanticorps plus spécifiques. Si les facteurs déclenchants restent inconnus, nous avons maintenant une meilleure idée du moment où l'exposition pourrait survenir. »
« Cette étude souligne aussi la nécessité de ne demander les tests d'autoanticorps que très sélectivement », ajoute-t-il, étant donné la possibilité de faux positif des autoanticorps antinucléaires qui pourrait alarmer inutilement des patients.
« New England Journal of Medicine », 16 octobre 2003, p. 1526, 1499.
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