De notre envoyée spéciale
« Tu as été pire que Spaeth ce matin », a lâché un cadre du Syndicat des médecins libéraux (SML) à l'un de ses confrères.
A leur université d'été d'Opio (Alpes-Maritimes), quelques responsables départementaux du SML ont en effet pris très au sérieux le jeu de rôles qui a consisté à se mettre à la place des « assureurs » des complémentaires santé en train de négocier des contrats avec les médecins libéraux.
Parmi eux, le Dr Olivier Galland a, par exemple, dissuadé ses confrères de réclamer « un large panier de soins » qui serait de fait « inassurable ».
Les cadres du SML se sont prêtés à l'exercice à la demande de leur président, le Dr Dinorino Cabrera, afin d'anticiper la nouvelle donne qui résultera de la réforme de l'assurance-maladie annoncée pour la fin de 2004 (« le Quotidien » du 15 septembre). Ils se sont préparés sans angélisme à négocier les contreparties de futures majorations d'honoraires avec les complémentaires santé, auxquels la réforme devrait donner un plus grand rôle. « On n'est pas face à la Sécu mais face à des partenaires qui savent qu'ils ont affaire à un marché juteux », a souligné l'un d'entre eux. « Ils ne feront pas de cadeaux aux médecins », a renchéri un autre. Les médecins libéraux devront opérer une « révolution culturelle », ont-ils conclu en chur. Malgré tout, ils espèrent que le sentiment de « culpabilité » entretenu par les caisses primaires laissera la place à « un partenariat gagnant-gagnant » avec les nouveaux décideurs de l'assurance-maladie, « au profit du patient ».
Pas d'installation dans les zones surmédicalisées ?
D'ores et déjà, les médecins présents à Opio se sont déclarés prêts à s'engager sur le codage des actes, afin que les assureurs complémentaires puissent connaître le coût d'une pathologie à partir de données statistiques fiables. Ils ont posé toutefois une condition : que le partage des données entre professionnels de santé et assureurs se fasse dans la transparence, grâce à la mise en place d'une banque de données « neutre », une sorte d' « INSEE médical ». Les cadres du SML se sont accordés aussi sur la nécessité du « juste soin », garanti par le suivi de formation médicale continue (FMC) et de référentiels de pratiques.
Les quelque cinquante médecins réunis à Opio croient davantage aux « groupes de pairs locaux », « fondés sur le volontariat, faciles à financer et reproductibles », qu'à l'évaluation des pratiques professionnelles (EPP) individuelle, pour améliorer la qualité des soins et optimiser ainsi les dépenses. En effet, a expliqué le Dr Jean-Louis Caron, l'un des rapporteurs des groupes de travail, l'EPP individuelle, expérimentée par certaines unions régionales de médecins libéraux, est « chère » et demandera « une cinquantaine d'années » si l'on veut que l'ensemble du corps médical s'y soumette.
En outre, les responsables départementaux du SML ont abordé sans détour la question de la régulation de l'offre de soins, que les assureurs complémentaires ne manqueront pas de mettre aussi sur la table des négociations. Au sein du groupe de travail concerné, « une majorité de médecins s'est déclarée favorable à l'interdiction de s'installer dans les zones déjà surmédicalisées » et cela « sans attendre », relève le Dr Caron. Une proposition qui « décoiffe », a commenté le président du SML, étant donné l'attachement des jeunes médecins à la liberté d'installation. Les cadres du SML ont lancé également d'autres pistes de réflexion portant sur « des incitations pérennes à l'installation dans les zones sous-médicalisées », « la promotion des regroupements médicaux » et « la valorisation des spécialités défavorisées » par le biais des lettres clés ou d'aides spécifiques. Enfin, les syndicalistes réunis à Opio ont cogité sur les éventuels « partages et/ou transferts de compétence » possibles entre les médecins et d'autres professionnels de santé en ce qui concerne certains actes simples : frottis, prescriptions de lunettes, prise de tension, etc.
Le « brainstorming » du SML servira à lancer la réflexion des médecins libéraux appelés à participer aux états généraux que le syndicat organise à Versailles le 18 octobre prochain.
RCP : le Dr Cabrera se fâche
Les problèmes d'assurance en responsabilité civile professionnelle (RCP) donnent « un coup de sang » au président du SML, un an après la loi About qui n'a rien réglé du tout (« le Quotidien » d'hier). Selon le Dr Dinorino Cabrera, le gouvernement « n'a pas la conviction nécessaire » pour s'attaquer au « piège monumental » du refus d'assurance qui guette de nombreux chirurgiens, anesthésistes et obstétriciens. « En l'absence de prise de mutualisation des risques [par la solidarité nationale, NDLR], on fera payer les patients », avertit le Dr Cabrera.
En attendant, il invite tous les spécialistes à écrire le plus vite possible à leurs assureurs respectifs pour leur demander si leur contrat est reconduit et, si oui, dans quelles conditions. Une course de vitesse s'engage en effet pour être assuré au 1er janvier 2004. Le bureau central de tarification (BCT) garantit certes une couverture assurantielle en dernier ressort, mais au bout de deux refus. Or chaque assureur dispose d'un délai de 45 jours pour donner aux médecins une réponse positive ou négative. A moins de prendre les devants et d'interroger plus d'un assureur simultanément, les médecins seraient donc obligés d'attendre au moins trois mois avant de saisir le BCT.
A. B.
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