Les divers mouvements de l'opposition - et le RPR plus particulièrement - se posent la question, à moins de cinq mois des élections, du regroupement de leurs forces.
La coïncidence de la présidentielle et des législatives ne favorise pas un rassemblement. Si la recherche de l'unité avait été considérée comme une priorité, il n'y aurait pas, à droite, un foisonnement de candidats. L'Elysée a même cru bon de rappeler à François Bayrou, candidat de l'UDF, qui a beaucoup critiqué Jacques Chirac, que l'adversaire se situait à gauche et non dans ce qui est censé être son propre camp.
L'héritage gaulliste
Alain Madelin, candidat de Démocratie libérale, Charles Pasqua, pour le RPF, conduisent des campagnes aux tonalités différentes : le premier condamne seulement la gestion du pays par les socialistes, le second s'en prend directement au président de la République, qu'il ne considère plus comme un gaulliste.
Le RPR, formation la plus puissante de l'opposition, est lui-même divisé sur la nécessité de regrouper les forces de la droite. Tactiquement, il voit bien que M. Pasqua ou Philippe de Villiers sont des irréductibles ; stratégiquement, c'est-à-dire à plus long terme, il craint de perdre ce qui fait sa spécificité, qui est l'héritage gaulliste. Mais le gaullisme est-il une idéologie ? Et si les principes qu'il véhicule doivent évoluer avec le temps - c'est en tout cas ce qu'affirme M. Chirac, devenu l'un des meilleurs promoteurs de l'intégration européenne -, cela ne signifie-t-il pas, une fois encore, qu'il n'y a pas de dogme qui résiste au pragmatisme ?
Les gaullistes partisans de la création d'un vaste parti de la droite insistent sur l'absence de différence entre eux et l'UDF ou DL. M. Bayrou peut toujours dire que la construction européenne va beaucoup trop lentement, ce qui est vrai, son évolution ne dépend pas que de la France. Quant à M. Madelin, il expose courageusement, mais sans se faire trop d'illusions, des idées économiques auxquelles peu de Français s'identifient.
En dépit de ces difficultés, la droite a une chance, l'an prochain, d'opposer à la gestion socialiste non pas une idéologie contraire, mais un programme qui fasse la synthèse des besoins du pays. En d'autres termes, elle peut établir des instruments de gestion qui fonctionneront d'autant mieux qu'ils ne seront dictés que par le pragmatisme et n'exigeront pas des Français une conversion à de nouveaux dogmes dont on sait à l'avance que, s'ils sont appliqués à la lettre, ils n'apporteront pas de solution.
Un mythe
Dans le domaine des retraites par exemple, la notion de retraite par capitalisation est un mythe. Il existe deux choses bien distinctes : la retraite par répartition et l'épargne. La première est collective, elle obéit à des règles et à des obligations ; la seconde ressortit au domaine réservé de l'individu qui souhaite avoir plus, au terme de sa vie active, que ce que lui offre la communauté nationale.
Dire que celle-ci peut remplacer celle-là est absurde parce qu'il ne s'agit pas de deux systèmes homologues. Tout au plus peut-on encourager l'épargne par la défiscalisation ; mais on ne peut pas laisser s'affaiblir la retraite par répartition parce que cela appauvrirait les plus pauvres, ou les moins prévoyants.
Il en va de même de l'assurance-maladie : le système actuel doit être amélioré et modernisé, il ne saurait disparaître. Un parti qui appuierait son programme sur la contraction de systèmes de protection collective qui ont fait leurs preuves pendant plus d'un demi-siècle et constituent aujourd'hui l'un des rares ciments de la société française serait voué à sa perte.
Ce qui ne veut pas dire qu'on peut payer à guichets ouverts les retraites et les soins. Cela signifie au contraire qu'il faut tenir aux Français le langage de la vérité, lequel se traduit par un cliché populaire : on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Peut-être la piste d'une mise en concurrence des caisses d'assurance-maladie ne doit-elle pas être fermée avant d'avoir été examinée ; mais ne serait-il pas plus sage de considérer l'assurance-maladie comme ce qu'elle est, c'est-à-dire comme une assurance, laquelle serait donc assortie d'une franchise, comme toutes les assurances ? Et d'exonérer de cette franchise les salaires les plus bas ?
Depuis cinq ans, le gouvernement, loin de s'adresser à l'ensemble des Français, négocie ou non avec des catégories professionnelles. Cela a produit, surtout en 2001, année préélectorale, une série de mesures adoptées dans l'urgence, qui ne correspondent plus au programme qu'il s'était fixé au départ. Si les 35 heures, la CMU, l'APA (aide aux personnes dépendantes) constituent de grandes réformes, les largesses distribuées aux gendarmes ou aux policiers ont été dictées par la panique. Elles creusent le déficit du budget et, surtout, elles ne font pas partie d'un plan d'ensemble.
L'autre réforme
La droite devrait se réunir autour d'idées réformistes (et non révolutionnaires) qui s'inspirent de la nature de chaque problème pour rechercher la solution, sans recourir ni à la théorie ni au dogmatisme.
Quand M. Pasqua se présente comme l'héritier authentique du gaullisme, il préjuge de ce que de Gaulle aurait fait aujourd'hui. Le général a montré à plusieurs reprises, notamment au sujet de la guerre d'Algérie, qu'il était capable de changer complètement d'attitude quand une crise le lui commandait. A l'inverse, M. Chirac peut dire aujourd'hui que le général de Gaulle serait devenu aujourd'hui aussi européen que lui, mais pas davantage, et le premier président de la Ve République n'est pas là pour le démentir.
Et quand Jean-Pierre Chevènement fait une campagne - par ailleurs remarquable - sur des idées que de Gaulle nourrissait il y a quarante ans, il ne tire sa popularité que de l'éternelle nostalgie des Français pour un « bon vieux temps » de toute façon révolu.
Pour une puissance moyenne comme la France, la question, en effet, n'est pas de savoir si elle garde ou non sa place dans le monde. L'Amérique est une superpuissance mais, sur le territoire américain, il y a beaucoup de pauvres et de gens malheureux, des gens qui font fortune et d'autres qui, au soir de leur vie, sont dans un dénuement total. Forts de ce constat, les socialistes tournent le dos à l'exemple offert par l'économie libérale. Mais ils n'ont pas réduit l'écart entre riches et pauvres et, contrairement à ce qu'ils affirment, l'approche purement sociale des problèmes sociaux n'est pas une garantie d'égalité.
La droite doit donc faire passer un discours qui s'appuie sur quelques constats apportés par l'expérience : c'est en soutenant l'économie, non en redistribuant une proportion toujours plus élevée des recettes de l'Etat, qu'on fera reculer la pauvreté et les injustices. Le gouvernement théoriquement le plus généreux n'est pas, en pratique, le plus efficace. On ne crée pas de vrais emplois durables quand on surcharge la fonction publique ; et on ne doit pas, notamment, imposer le bonheur : affirmer que travailler moins rend les gens plus heureux n'est pas certain ; faire croire aux patients qu'ils seront mieux soignés sans que leurs cotisations maladie soient augmentées est un leurre ; leur dire qu'ils peuvent prendre leur retraite avec un montant identique et en cotisant moins longtemps est une duperie.
Si l'opposition a un peu de courage, elle doit faire campagne sur ces thèmes-là, malgré leur impopularité. Les gens de pouvoir croient toujours qu'ils ne peuvent pas dire la vérité à leurs électeurs. D'abord ils se trompent, et ensuite les faits sont têtus ; les oublier en période électorale, c'est les retrouver après les élections.
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