La pédiatre et oncologue Nicole Delépine perd patience. Elle est sans nouvelles du transfert de son unité d'oncologie pédiatrique installée à l'hôpital Avicenne à Bobigny (93) vers un autre établissement de l'Assistance publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP).
S'emparant du dossier en avril, le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, s'était engagé à ce que le transfert de l'unité soit effectif avant le 1er septembre 2003 dans un environnement pédiatrique adapté, permettant au service d'accueillir tous les enfants quel que soit leur âge. Le Dr Delépine affirme être sans nouvelles du ministère depuis le 13 mai, date à laquelle le cabinet de Jean-François Mattei lui aurait pourtant annoncé avoir trouvé un hôpital public de l'AP-HP prêt à lui ouvrir ses portes. La pédiatre est pressée de rencontrer le directeur de cet établissement. Elle veut être sûre que ce prochain déménagement sera le bon. « A Avicenne, la vie est épouvantable, le harcèlement moral du directeur incessant », dit-elle. Contacté par « le Quotidien », le directeur n'a pas souhaité s'exprimer.
Ce n'est pas une première
Pour l'AP-HP, le « cas » du Dr Nicole Delépine n'est pas simple à traiter, tant sa personnalité crée souvent des remous dans les différents établissements où elle exerce. En effet, le conflit à l'hôpital Avicenne n'est pas le premier pour elle. « J'ai dû quitter l'hôpital Robert-Debré en 1999, où les médecins m'ont fait la guerre pendant dix ans, raconte Nicole Delépine . Ça recommence à Avicenne. En arrivant, on ne m'a donné que sept lits. L'actuel directeur refuse de très nombreuses admissions, notamment les enfants de moins de quinze ans, et prétend que, s'agissant d'un hôpital pour adultes, la situation n'est pas sécurisée pour les enfants. » Un argument que réfute le médecin.
Mais la pédiatre se sait mal aimée par ses pairs : « La nomenklatura médicale française a toujours décrié ma méthode de travail, les thérapies que j'utilisais et le fait que je refuse d'inclure les enfants dans les protocoles de recherche biomédicale randomisés multicentriques. » Mais elle refuse de parler d'hostilité directe de ses confrères. « A Avicenne, l'unité est certes un peu isolée dans son coin, mais l'ambiance n'est pas détestable », dit-elle comme pour se rassurer.
Le président d'Amétist, une association de parents de malades qui soutient le Dr Delépine, est plus direct et lui apporte son soutien : « Comme Nicole Delépine fait mieux que la nomenklatura, ça déplaît. Grâce à des traitements différents, individualisés, elle obtient des taux de réussite bien plus élevés. Elle refuse d'amputer les enfants, qui conservent leurs membres et leur fonctionnalité, c'est énorme. Les médecins ne supportent pas. Combien de fois ont-ils tenté de fermer son unité en la traitant de charlatan ? »
La presse grand public s'est emparée de ce qu'elle n'hésite pas à nommer « l'affaire Delépine ». D'un côté, ses défenseurs, des parents essentiellement, qui apprécient, affirment-ils haut et fort, l'humanité et la chaleur de cette femme à qui ils remettent leur enfant malade en toute confiance. De l'autre, ses nombreux détracteurs. La liste des critiques adressées à la cancérologue est longue : utilisation de vieilles chimiothérapies, acharnement thérapeutique, refus d'inclure les enfants dans les protocoles multicentriques, mauvaise prise en charge de la douleur (« le Point » du 17 janvier 2003)...
Certes, il ne revient pas au « Quotidien » d'entrer dans cette polémique médicale. Mais force est de constater que le maintien en l'état de l'unité du Dr Delépine pose problème. L'AP-HP admet que l'ambiance à l'hôpital Avicenne n'est plus tenable, malgré la nomination d'un nouveau chef de service à la tête de l'unité en début d'année. Seule praticienne hospitalière titulaire du service, le Dr Delépine est épaulée par quelques attachés. Le personnel infirmier, si l'on en croit certains, hésite de plus à travailler dans cette unité, en raison de l'ambiance ou de la personnalité du Dr Delépine. Beaucoup refusent carrément. Il faut trouver rapidement une solution.
Roland Gonin, directeur adjoint de la direction générale de l'AP-HP s'y emploie, dit-il : « Cette unité d'oncologie pédiatrique répond à un besoin, car certaines familles souhaitent n'être suivies que par Nicole Delépine. Ce médecin a une compétence, elle doit pouvoir l'exercer. On cherche à lui offrir des conditions d'activité meilleures, sur un autre site. Il faut vite tourner la page d'Avicenne. » Il n'est que temps, en effet.
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