Si l'on en croit le proverbe, même une soutane peut cacher un escroc. Comme la France ne fait jamais l'économie d'un débat, en voici un autre sur l'uniforme à l'école.
Si Xavier Darcos, le numéro deux de l'Education nationale, souhaite que la France en parle, c'est certainement parce qu'il est favorable à une telle mesure. Ne commettons pas la faute d'y voir trop vite l'idée de la répression scolaire. A New York, l'ancien maire Rudolph Giuliani a commencé à lutter contre la criminalité en faisant arrêter les casseurs de vitres et les pollueurs de trottoirs. M. Darcos estime que, si les écoliers revêtaient l'uniforme, ils sauraient d'emblée qu'ils appartiennent à un système discipliné. Ce n'est pas faux.
Un retour en arrière
Mais par rapport à la garde-robe de notre jeunesse, des plus petits jusqu'à l'adolescence, le retour en arrière serait vertigineux. On dira ce qu'on veut des pantalons bouffants, des baskets, des jeans ultracollants et des corsages qui s'arrêtent au-dessus du nombril, personne ne niera que les jeunes aiment s'identifier par leurs vêtements. Le port de l'uniforme ne serait donc pas seulement une forme d'avertissement sur la bonne conduite, il reviendrait à nier ce qui différencie chaque jeune par rapport aux autres, dans une société où il importe de ne ressembler à personne et même d'être unique, en quelque sorte.
De ce point de vue, la suggestion de M. Darcos semble donc inapplicable, sauf à l'imposer par la loi, ce qui n'ira pas sans vociférations : on aura tôt fait de dire que les « vieux » dictent la mode aux jeunes, alors que, par la force des choses, les seconds jugent les premiers démodés.
Le sujet est en réalité beaucoup moins anodin qu'il n'y paraît. Si, par hypothèse, le port de l'uniforme à l'école était adopté, il exclurait le port du voile, également appelé « foulard ». Le retour aux sources jules-ferriennes viendrait à bout des tendances prosélytiques de l'islam. Le parallèle est rigoureux : dans les deux cas, il s'agit d'envoyer un message au moyen d'un vêtement. Mais le message n'est-il pas le même ? L'uniforme serait le symbole imposé de l'école laïque, celle-là même que le foulard bat en brèche. Autrement dit, on répond à ce qui est perçu comme un danger, l'irruption de la religion à l'école, par la réaffirmation que la religion n'a pas sa place dans l'école publique.
Toutefois, de même que le port du foulard, contrairement à ce qu'en disent les islamistes, n'est pas une traduction de la liberté républicaine mais la proposition d'un exemple à suivre, de même le port de l'uniforme, en éliminant la liberté vestimentaire, apparaîtrait comme une atteinte à la vie privée.
Une arme de dissuasion
Lorsque des élèves musulmanes ont revêtu leur foulard pour respecter leur religion et leur tradition, il a semblé aux plus tolérants d'entre nous qu'on ne pouvait le leur interdire qu'en utilisant ce qui nous répugne, c'est-à-dire le refus d'une liberté. Par la suite, il est devenu évident que, avec le foulard, une forme d'intégrisme organisé cherchait à imposer l'islam comme composante majeure (et peut-être, un jour, supérieure) de la société française. Beaucoup d'élus continuent à dire que les cas de foulard ne sont pas si nombreux et qu'on peut les régler sans légiférer. On ne sait pas si c'est vrai et on ne sait pas si le phénomène va s'étendre. Ce qu'on devine, c'est que l'uniforme serait la réponse de l'Etat laïque, l'arme de dissuasion contre tout symbole vestimentaire d'où qu'il vienne.
Doit-on déjouer le petit complot islamiste, visible à l'il nu, que l'on fomente dans nos écoles publiques, avec une arme aussi lourde ? M. Darcos répondra que l'objectif de l'uniforme est multiple, qu'il consiste moins à dissuader les jeunes musulmanes de porter le foulard que de rappeler aux écoliers qu'ils sont enrégimentés, donc surveillés par une autorité hiérarchique, et doivent donc se plier à la discipline qu'elle fait régner.
Mais cette guerre des symboles fait penser à une bataille de boules de neige. La crise de l'école, c'est la violence, c'est le racket, c'est l'absence de respect pour les enseignants, c'est la pauvreté des familles qui confient leurs enfants à l'Education nationale. A lui seul, l'uniforme ne suffira pas à faire rentrer dans le rang tous les écoliers, qui peuvent, sous le vêtement unique, cacher un cur de bagarreur. Plutôt que de déclencher une querelle où s'engageront la totalité des élèves et de leurs parents, il serait préférable de recréer les conditions de la discipline telle que les plus anciens d'entre nous l'ont connue et qui n'est rien d'autre qu'une atmosphère telle que l'enseignant est vraiment considéré comme un « maître » par ses élèves, que le droit de parler en classe doit être donné par l'instituteur ou le professeur, que le respect de la hiérarchie ne peut être éliminé ni par le langage ni par les actes, et que tout comportement non conforme est durement sanctionné.
Nous n'aurions pas rêvé de fumer à l'école ou d'être insolents avec nos enseignants. Aujourd'hui, ces deux conduites sacrilèges sont monnaie courante. Il est donc temps d'appliquer le principe de l'intolérance zéro, avant d'obliger chaque élève à s'acheter un uniforme.
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