Icônes orthodoxes à Martigny, en Suisse

Lumières métaphysiques

Publié le 18/11/2004
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AUX PREMIERS TEMPS de l'Eglise chrétienne, de nombreuses communautés monastiques ont vu le jour dans des régions isolées et reculées. Le monastère Sainte-Catherine attenant au Sinaï et se dressant fièrement au pied du mont Horeb où, dans l'Ancien Testament, Moïse aurait reçu les Tables de la Loi, est l'un des plus anciens d'entre eux à être parvenu intact jusqu'à nous et à être toujours en activité, sans interruption depuis le VIe siècle.
Situé au cœur d'un paysage accidenté fait de montagnes et de roche, environné par une nature sauvage, le monastère, fondé par Justinien entre 527 et 565, fut dédié à l'illustre martyre d'Alexandrie, et se trouva entouré d'une forteresse, puisqu'il servait également de refuge aux chrétiens du Sinaï.
Ce monastère renferme une prodigieuse collection d'icônes et d'anciens manuscrits chrétiens, qui sont très rarement délogés de leur écrin, comme on peut s'en douter. Exception faite actuellement, puisqu'une partie de ces trésors ont été accueillis par la fondation Gianadda de Martigny, le temps d'une exposition : 37 icônes (la plupart du XIIe ou XIIIe siècles), trois parchemins de l'époque des Croisades, ainsi que le calice donné au monastère par le roi de France Charles VI en 1411.
Ce n'est qu'à la Renaissance que les concepts de « représentation fidèle de la réalité », de « donner l'illusion » et de perspective apparurent. L'icône, elle, ne suppose pas l'imitation ni ne se fonde sur la description des choses. Pas de perspective linéaire donc. Un seul plan pour un ou des « personnages », toujours solennels - ici, sainte Catherine, saint Nicolas ou saint Demetrios, Moïse, l'archange Gabriel, une Vierge au trône et son Enfant, un Christ Pantocrator... La tempera (sorte de détrempe à l'œuf) est appliquée sur le bois et déploie toute une gamme de couleurs symboliques - tantôt claires, tantôt sombres, mais toujours pures - qui expriment la lumière métaphysique des objets et des visages humains. Ne représentant pas des images terrestres ou tangibles, les icônes font apparaître un autre monde. Les visages hiératiques et lumineux se détachent sur des fonds dorés qui leur donnent leur dimension sacrée. La contemplation de ces chefs-d'œuvre brillants est un véritable ravissement.

Fondation Pierre Gianadda. Rue de la Gare, 1920, Martigny. Suisse. Tél. +41.27.722.31.13. Jusqu'au 12 décembre.

D. T.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7635