DE NOTRE CORRESPONDANTE
LE PROJET de réseau mémoire du grand Lyon, examiné et rejeté en juin 2004, puis en juin 2005, vient à nouveau d’être soumis, dans une version encore plus affinée, au comité régional des réseaux de Rhône-Alpes.
En région lyonnaise, cette «vague de 30mètres que l’on n’a pas vu venir», selon l’expression d’un ancien ministre de la Santé pour évoquer le problème national posé par les démences, engendre déjà des difficultés majeures : délais de diagnostic trop importants, retards dans la prise en charge des malades, etc. Alors que le nombre de patients, plus de 16 000 personnes sur les trois bassins de population du grand Lyon, atteint déjà plus de 16 000 et pourrait doubler d’ici à 2020, le troisième schéma régional d’organisation sanitaire (Sros) publié le 20 février 2006, n’y consacre aucun chapitre. Impéritie des pouvoirs publics ? «Nous ne sommes tout de même pas totalement muets sur cette question», se défend Gérard Chuzeville, chargé de mission à l’agence régionale de l’hospitalisation (Arh) de Rhône-Alpes, qui rappelle que ce schéma prône la création de réseaux. Or c’est précisément ce que les promoteurs du projet en question, des médecins libéraux épaulés par des hospitalo-universitaires, s’échinent à faire aboutir depuis plus de deux ans.
Coordination.
L’idée de créer un réseau, devenue une nécessité, a germé sur le terreau d’une expérience unique à Lyon : celle du centre de rééducation et d’étude des activités mnésiques (Cream), structure associative de ville créée en 1989 à l’initiative du Dr Philippe Neuschwander, neurologue libéral, et Odile Hibert, neuropsychologue au CHU lyonnais. Au fil du temps et de l’augmentation des demandes, le Cream a été acculé à ses propres limites structurelles et financières, et ses responsables ont dû réfléchir «aux nouvelles exigences de coordination entre les secteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux, nécessaires à l’efficience d’une prise en charge de proximité», argumente Philippe Neuschwander.
Une étude à paraître*, pilotée par le Dr Isabelle Rouch pour la cellule régionale d’observation de la démence, met d’ailleurs l’accent sur la forte implication des neurologues libéraux : parmi 90 spécialistes en neurologie, en gériatrie et en psychiatrie qui ont déclaré au moins 50 consultations mémoire réalisées en libéral, 43 ont répondu au questionnaire adressé par la cellule, dont 34 neurologues, 8 gériatres et 1 neuropsychiatre. «Les difficultés exprimées concernaient essentiellement l’accès au bilan neuropsychologique [non remboursé en libéral, ndlr :] et la coordination avec les autres acteurs», fait observer le Dr Rouch. Pour toutes ces raisons, les refus essuyés par l’association Cream, promotrice du réseau mémoire avait suscité un émoi dans le Landerneau médical régional (« le Quotidien » du 9 novembre 2005). Il est vrai que en formulant des injonctions contradictoires, les autorités de tutelle et Cap réseaux, supposés aider au montage du dossier, avaient pour ainsi dire étouffé le projet dans l’oeuf. Quant à l’Union régionale des médecins libéraux (Urml), elle s’était brillamment illustrée en soutenant officiellement le projet pour voter contre à l’issue de sa présentation au Faqsv. Aujourd’hui, ces «écueils» sembleraient avoir été dépassés. La commission du Faqsv ayant été renouvelée, le Dr Neuschwander attend une décision plus objective et rationnelle, «afin que ce réseau qui fonctionne plus ou moins de manière informelle puisse officiellement exister et disposer des moyens requis».
Dernier frein.
Avec un budget de fonctionnement estimé à moins de 270 000 euros annuels – inférieur à ceux d’autres réseaux désormais ancrés dans le paysage rhônalpin bien que les financeurs sachent qu’ils ne remplissent pas leurs objectifs –, ce projet rejoint la norme des réseaux mémoire existant en France. Il dispose, en outre, d’appuis non négligeables, que ce soit celui de la Ville de Lyon ou celui du nouveau président de l’UrmRA, Jean Derrien. Côté CHU lyonnais, le Dr Bernard Croisile, responsable du centre mémoire de recherche et ressources, se dit convaincu que «l’hôpital a tout à y gagner». Seules les guerres picrocholines que certains neurologues et gériatres hospitaliers continuent de se livrer sembleraient faire obstacle au projet. Aux Hospices civils de Lyon, les gériatres craignent surtout une déferlante de malades «dans une filière qui ne pourrait pas en absorber plus», comme le souligne le Dr Brigitte Comte, responsable du pôle gériatrie. Le projet leur a donc été récemment présenté, pour lever ces derniers freins.
* « La Revue de gériatrie », tome 32, n° 1, janvier 2007, in « Press ».
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