« SI NOUS N'AVONS pas de réponse du gouvernement d'ici au 9 mars, une assemblée générale des directeurs d'unité sera convoquée pour déclencher le dispositif de démission collective », a annoncé Alain Trautmann, directeur de recherche à l'institut Cochin et porte-parole du collectif « Sauvons la recherche », au matin de la manifestation des chercheurs qui a rassemblé, à Paris, plusieurs milliers de manifestants. « On n'avait pas vu une telle mobilisation depuis longtemps », a déclaré le secrétaire général du Syndicat national des chercheurs scientifiques Sncs-FSU, Jacques Fossey, en estimant la mobilisation à 10 000 personnes environ (3 000, selon la police). Les principales revendications concernent l'augmentation du recrutement statutaire, la revalorisation du statut des jeunes chercheurs et des carrières, le remboursement immédiat des crédits de 2002.
« L'attitude du gouvernement se durcit, a indiqué Alain Trautmann. La ministre de la Recherche nous a fait savoir, par son directeur de cabinet, qu'il n'y aurait pas, pour une question de principe, de collectif budgétaire », collectif demandé par les chercheurs pour maintenir les emplois statutaires. « Une unité de recherche n'existe pas sans responsable, rappelle-t-il. Et le gouvernement aura bien du mal à trouver des directeurs intérimaires. Nous allons au blocage. » Au Cnrs, plus du tiers des directeurs de labo se sont engagés à démissionner ; ils sont près de la moitié à l'Inserm, précise Alain Trautmann.
Jusqu'au 9 mars, les chercheurs se laissent le temps d'amplifier le mouvement de contestation, notamment par le biais de la pétition lancé par le collectif « Sauvons la recherche »* qui a recueilli, en trois semaines, plus de 32 000 signatures. « Nous avons besoin d'un large soutien des citoyens », a ajouté Alain Trautmann.
Niuvelle manifestation.
Vendredi dernier, la Conférence des présidents des sections du Comité national de la recherche scientifique (Cpcn) s'est réunie exceptionnellement avec les présidents de commission de l'INSERM pour dénoncer « la situation catastrophique de la recherche publique en France » et soutenir le mouvement des chercheurs. Instance d'évaluation des chercheurs et des activités des laboratoires du Cnrs (qui sont, dans la plupart des cas, associés à des laboratoires des universités ou d'autres organismes publics), le Comité national de la recherche scientifique s'était déjà réuni en juin dernier, en session extraordinaire, pour la cinquième fois depuis sa création en 1945, afin d'alerter le gouvernement.
L'intersyndicale de l'Inserm appelle de son côté à une nouvelle manifestation aujourd'hui, au palais des Congrès (Porte Maillot), tandis que doit se tenir une réunion des directeurs de structure organisée par la direction de l'établissement. Bien que celle-ci soutienne que « l'enveloppe globale des crédits destinés aux unités progressera en 2004, à périmètre constant, de 7,5 % par rapport au montant total délégué aux unités en 2003 », les syndicats dénoncent le démantèlement de la recherche médicale. « Pour la première fois depuis la création de l'Inserm, il n'y aura pas cette année de concours ouvert au recrutement (pour les chargés de recherche CR2) dans 6 des 9 commissions scientifiques spécialisées », s'insurgent-ils .
La ministre de la Recherche a annoncé la création d'une mission « chargée de procéder à l'examen contradictoire de la situation des crédits des laboratoires publics ». L'objectif de cette mission, d'une durée de 15 jours, est de « dresser un état des lieux des budgets effectivement mis en œuvre dans les grands organismes de recherche », précise le ministère, qui ajoute que les conclusions du rapport « serviront de base aux discussions avec les représentants des chercheurs, des organismes et des syndicats ». Dans ce contexte, la concertation entre le gouvernement et la communauté des chercheurs, qui demande un plan Marshall de la recherche, semble promise à l'échec.
* recherche-en-danger.apinc.org.
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