SEPT FOIS capitaine de l'Equipe de France, premier joueur à battre toutes les grandes équipes de son époque, nommé champion des champions français par « l'Equipe » en 1959, le Dr Lucien Mias, 77 ans à la fin du mois, regarde l'avenir du rugby avec la même ferveur : «Le XXIesiècle sera le siècle du rugby, prophétise-t-il. L'engouement auquel nous assistons depuis quelques semaines n'est pas un phénomène passager, il traduit une tendance qui est appelée à s'accentuer. Pendant que le football est en train de se noyer dans ses histoires financières délétères et les turpitudes de ses tribunes de supporters, nous assistons à la montée en puissance d'un sport qui met au-dessus de tout la rencontre, le contact, la convivialité.»
Pour « le Dr Pack », ainsi le médecin (généraliste et hospitalier) reste surnommé depuis ses années de gloire, « le ballon ovale n'est au fond qu'un prétexte, le rugby étant avant tout un sport de combat. Mais un combat où prime la pugnacité et non l'agressivité.»
Evidemment, les temps changent : « Autrefois, nous pratiquions un jeu de joueurs. Aujourd'hui, c'est devenu plutôt une compétition entre athlètes. Une compétition beaucoup plus physique qu'elle ne l'était de mon temps, et où les imprévus sont moins fréquents. Du coup, les matchs ont tendance à devenir monotones.»
«Une telle évolution, poursuit l'ancien champion, nécessite une préparation physiologique bien plus rigoureuse qu'elle ne l'était. Dans ce contexte, les tentations sont redoutables, avec le risque, pour certains, de faire ce que j'appellerai le pas de trop.»
Mais Lucien Mias se veut décidément serein : «La France, assure-t-il, est probablement préservée. Dans d'autres pays, en revanche, on est en droit d'éprouver quelque suspicion. Pour faire du muscle, la créatine et les substances androgènes peuvent tenter certains. Et, quand un pays comme les Etats-Unis se convertira massivement au ballon ovale, les dérapages risquent d'être plus fréquents.»
Les sujets d'inquiétude sont présents, mais ils n'altèrent pas l'optimisme inoxydable de Lucien Mias ; lui qui, en son temps, avait inventé la touche longue en mouvement et le demi-tour contact qui favorise le jeu d'avants, deux innovations techniques majeures en équipe de France, pronostique de nouvelles évolutions : «On va sans doute changer les règles de placage, estime-t-il, et panacher les règles du rugby à 15 avec celles du rugby à 7. C'est le génie du rugby d'évoluer sans cesse pour s'adapter à ses nouveaux pratiquants. Regardez le chemin parcouru depuis l'époque où les équipes se recrutaient principalement parmi les agriculteurs et les étudiants!»
«L'avenir rugbystique n'est écrit nulle part, mais il est de toute manière prometteur», conclut Lucien Mias, qui a bien l'intention de ne rien perdre du spectacle dans les six prochaines semaines. Pour sa part, bien que sollicité par toutes les chaînes de télévision, il a modestement décliné leurs invitations. Une manière pour lui de s'inscrire contre le star- système ambiant.
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