Aussi loin qu'elle s'en souvienne, Lucie Ginoux avoue qu'elle a toujours voulu être médecin. Pas nécessairement médecin généraliste, pardon, spécialiste de médecine générale, mais « en tout cas je savais, depuis toute petite, que je voulais exercer ». Du coup, la jeune femme de 25 ans reconnaît qu'elle n'a pas trop eu à se forcer pour passer le cap de la première année, suite classique d'un cursus lycéen scientifique.
Deuxième, troisième… les années d'études médicales s'enchaînent, et commencent à se ressembler un peu trop au goût de l'étudiante marseillaise. « Dans les spécialités, j'aimais tout, ce qui rendait le choix de l'une en particulier difficile. De plus, l'hyperspécialisation ne m'attirait guère. C'est à partir de la quatrième année, que je me suis véritablement rendu compte que ce qui me plaisait, c'était la diversité des cas et le côté humain et relationnel de la médecine, bien plus que le côté technique ».
Et à partir de ce moment, Lucie entre en résistance. Contre ses proches, contre ses profs, qui ne s'expliquent pas son obstination. « Encore aujourd'hui, dans l'esprit de tous, la voie royale c'est grand cardiologue ou grand chirurgien. La pression qu'un étudiant rencontre lorsqu'il s'écarte de ce chemin est réelle », témoigne celle qui a été la première à avoir choisi médecine générale à l'édition 2008 du traditionnel amphithéâtre de garnison. Son rang ? Quatre-vingt seizième. L'occasion, pour la jeune femme de choisir sans problème le lieu où elle effectuera son internat. En l'occurrence, Paris, puisque c'est dans la capitale que son compagnon travaille. Aujourd'hui, Lucie passe entre deux et quatre jours hebdomadaires au service des urgences de l'hôpital Cochin, auxquels il convient de rajouter les quatre gardes qu'elle doit assurer tous les mois ainsi que ses deux week-end d'astreinte.
Le reste du temps ? « Je le passe entre autres choses à démarcher des cabinets de généraliste ». Car son avenir de généraliste, Lucie Ginoux le voit « plutôt dans un cabinet de groupe », et plutôt du côté de la Canebière. Mais n'anticipons pas. Comme le résume la toute nouvelle parisienne d'adoption : « dans ce métier, faire des projets, au-delà de trois ans n'est pas réaliste ». Il n'empêche que le changement de donne potentiel contenu dans la loi Bachelot l'inquiète. Est-ce que demain, les futurs médecins auront encore le choix de s'installer où ils le souhaitent ? Lucie se pose sérieusement la question. Et sans préjuger de la réponse qui y sera apportée, la jeune généraliste estime que « cette hypothèse n'est certainement pas de nature à encourager les étudiants à choisir la médecine générale. Nous avons obtenu la qualification de spécialiste, mais pas grand-chose n'est fait pour la valoriser. Si en plus, on change les règles en cours de route »…
Constat lucide, mais sans aucune amertume. Lucie ne regrette en rien son choix, tout au contraire et se souvient, un sourire aux lèvres, de ce généraliste que ses parents l'emmenaient consulter, petite. « Je crois que c'était au moment où j'ai décidé de devenir médecin, mais je m'étais dit, « pas pour soigner des rhumes ou des grippes ». Il lui avait juste échappé, comme elle le reconnaît volontiers, que la médecine générale, c'est bien autre chose. Mais « tant qu'on ne l'a pas pratiqué, on ne se rend pas compte ».
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