DÉCIDÉMENT, rien ne va plus pour la classification commune des actes médicaux (Ccam), qui était censée remettre de l'ordre en se substituant aux deux nomenclatures obsolètes actuellement en vigueur (Ngap en médecine de ville et Cdam dans les établissements hospitaliers).
Après la suspension officielle des travaux autour du versant clinique de la Ccam, pour cause de discorde sur le plan méthodologique (« le Quotidien » d'hier), voilà que l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (Uccsf-Alliance) annonce que, si la Ccam technique est en perdition, il a une solution pour la « sauver ». Au lendemain d'un entretien avec le directeur de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam), Frédéric Van Roekeghem, le syndicat pense en effet que « l'application de la Ccam mérite, pour ne pas être abandonnée, des mesures de compromis ».
La Ccam présente l'énorme avantage de rendre transparents, grâce au codage, 7 200 actes simples et combinaisons d'actes. Or personne n'est en mesure aujourd'hui de mesurer avec précision l'impact économique des nouveaux tarifs Ccam sur les spécialités, en raison de la cécité de l'ancienne nomenclature en matière de profils d'activité. Uccsf-Alliance propose donc de limiter au codage la réforme de la Ccam technique et de conserver pour l'instant la bonne vieille Ngap pour tarifer tous les actes des médecins spécialistes libéraux. Puis les tarifs de la Ngap pourraient converger progressivement, en plusieurs années, vers ceux calculés à travers la Ccam.
Jusqu'à présent, les autres syndicats plaidaient en faveur des nouveaux tarifs, assortis d'un système provisoire de rustines pour les perdants de la Ccam.
L'Uccsf dénonce certains vices de fabrication de la Ccam technique et cite notamment « les écarts de - 43 % pour les pompistes de circulation extracorporelle (CEC) et de + 25 % pour les acupuncteurs (qui) sont la partie extrême d'une infinité de problèmes méconnus ou sous-estimés, le premier étant l'analyse de leur pertinence ». Le Dr Alain Ricci, l'expert de l'Uccsf en matière de Ccam, évoque de même « l'incohérence » de l'évaluation du travail médical qui met le même score en points pour le bilan fonctionnel de deux mains et une opération d'une grosse fracture de la jambe, alors que celle-ci entraîne « plus de stress » pour le praticien.
Parachute.
Par ailleurs, l'Uccsf constate que l'assurance-maladie ne trouvera « pas de parachute financier assez grand » pour compenser les déconvenues des perdants de la Ccam, surtout à l'heure où certains syndicats chiffrent à plus de 300 millions d'euros l'enveloppe nécessaire pour les dispositifs d'accompagnement.
En conséquence, l'Uccsf-Alliance propose la mise en place d'une « cellule d'expertise » afin de « restructurer la concertation médico-technique en amont », la création d'une « base de données indiscutable » sur l'impact de la Ccam et d'un « modèle de lissage entre anciens et nouveaux tarifs », et, enfin, la conception de « modèles de restructurations cibles et des modèles d'accompagnements ».
Du côté des autres syndicats, on avoue avoir un peu de mal à suivre la trajectoire du ballon d'essai lancé par l'Uccsf-Alliance. « Cela ressemble à un report aux calendes grecques de la tarification de la Ccam, relève le Dr Jean-Claude Régi à la Fédération des médecins de France (FMF). C'est trop important, on ne peut pas changer de cartes toutes les cinq minutes », estime-t-il.
Le président de l'Umespe-Csmf, premier syndicat de spécialistes, souligne que, hormis certains actes déjà identifiés (en particulier ceux des anatomocytopathologistes et ceux des stomatologistes, qui doivent rester en Ngap), « les tarifs des spécialistes ont quand même intérêt à basculer en Ccam, sinon on n'aura pas l'enveloppe de restructuration prévue dans l'accord du 10 janvier 2003 ».
La réplique du SML.
Au-delà des interrogations du moment, le Dr Jean-François Rey « reste confiant » et compte bien voir la négociation technique sur la Ccam « finalisée avant le début des négociations conventionnelles ».
Le président du Syndicat des médecins libéraux (SML), lui, trouve le report au long cours de la tarification de la Ccam prématuré tant que l'on n'a pas mis en place « dès que possible » le double codage. En outre, le Dr Dino Cabrera dénonce « l'hypocrisie monumentale » de l'Uccsf dont l'attitude se résume selon lui à : « Puisque l'on est servi [par l'arrêté ministériel qui revalorise de 12,5 % les actes chirurgicaux, ndlr], maintenant on peut laisser attendre les autres. »« Nous, les chirurgiens, cela faisait vingt ans que nous n'avions pas été revalorisés de manière substantielle, et il n'y a pas de problème démographique comparable à celui des chirurgiens dans les autres spécialités », lui rétorque le Dr Jean-Gabriel Brun, président de l'Uccsf.
Contactée par « le Quotidien », la Cnam n'a pas commenté la proposition de l'Uccsf-Alliance. Quoi qu'il en soit, il faudra sans doute attendre la mise en place de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam) avant de connaître le sort réservé in fine à la Ccam technique, son futur directeur, Frédéric Van Roekeghem, ayant déjà indiqué que la nouvelle nomenclature serait validée par cette instance et non par la Cnam.
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