Les seuils de pollution considérés comme acceptables par les agences gouvernementales de protection de l'environnement sont-ils suffisamment bas ? S'ils doivent correspondre à des concentrations en polluants en deçà de celles exacerbant les symptômes des enfants asthmatiques, la réponse est non : l'ozone, même à une concentration considérée comme faible par les autorités américaines, entraîne des troubles importants chez les jeunes asthmatiques prenant un traitement de fond.
L'effet de la qualité de l'air sur les symptômes respiratoires des enfants asthmatiques a été étudiée à de nombreuses reprises dans les régions les plus polluées du globe. Ces travaux ont démontré qu'un air chargé d'une grande quantité d'ozone et de particules d'un diamètre inférieur à 2,5 µm réduit les fonctions pulmonaires et augmente les risques de symptômes respiratoires ainsi que le recours aux traitements bronchodilatateurs.
En revanche, très peu de données sont disponibles concernant l'effet des pollutions légères (égales ou inférieures au niveaux recommandés par les agences gouvernementales) sur la santé des enfants asthmatiques. Pourtant, plusieurs études ont suggéré que les normes standard de qualité de l'air, comme celles établies par l'US Environmental Protection Agency (EPA), ne suffisent pas à protéger les populations les plus vulnérables.
C'est pour cette raison que des chercheurs de l'université de Yale ont décidé d'évaluer l'effet des faibles niveaux de pollution sur les symptômes respiratoires et le recours aux bronchodilatateurs chez des enfants asthmatiques.
Près de 300 enfants souffrant d'asthme ont participé à l'étude. Ils ont tous été recrutés dans l'état du Connecticut et dans la région de Springfield (Massachusetts), régions peu polluées des Etats-Unis. Pour affiner l'étape d'analyse des données, les enfants ont été répartis dans deux groupes en fonction de la gravité de leur pathologie respiratoire : ceux utilisant un traitement de fond ont été classés dans un premier groupe, ceux n'en utilisant pas dans un second groupe, considéré comme celui des sujets les moins gravement touchés par l'asthme.
Tous les jours pendant la durée de cette étude, les mamans de jeunes participants ont scrupuleusement noté les symptômes respiratoires et les prises de médicaments associées à l'asthme de leurs enfants.
Les pics d'ozone estivaux
Parallèlement, les départements de la protection de l'environnement du Connecticut et du Massachusetts ont fourni aux auteurs leurs mesures de l'ozone et des particules présentes dans l'air. L'étude a été menée entre les mois d'avril et de septembre 2001, une période qui inclut les pics d'ozone estivaux.
Au cours de cette période de six mois, la concentration moyenne d'ozone mesurée en une heure a dépassé le standard de l'EPA (120 particules par milliard ou ppb) à trois reprises. La concentration des petites particules est restée en deçà des standards de l'EPA pendant toute la durée de l'étude (< 65 µg/m3).
Dans le groupe d'enfants prenant un traitement de fond, une concentration en ozone égale ou supérieure à 51,6 ppb entraîne une augmentation immédiate de la probabilité de respiration sifflante (+ 16 %) et de l'usage des bronchodilatateurs (+ 4 %). Le lendemain des jours où la concentration en ozone dépasse 72,7 ppb, la probabilité des toux persistantes augmente de 16 %, celle d'oppression thoracique de 21 % et celle de difficulté respiratoire (souffle court) de 22 %.
Petites particules polluantes
En outre, à chaque augmentation de 50 ppb de la concentration d'ozone, la probabilité de voir apparaître des symptômes respiratoires augmente de 35 % et l'usage des bronchodilatateurs est pratiquement multiplié par deux le lendemain de l'exposition.
En revanche, la concentration des petites particules polluantes dans l'air ne semble pas être associée à l'apparition de symptômes respiratoires particuliers, ni à l'usage de traitements bronchodilatateurs. L'analyse des données relatives au groupe des enfants ne suivant pas de traitement de fond pour leur asthme, n'a pas non plus permis d'établir un lien entre un niveau faible de pollution et des manifestations de la pathologie respiratoire.
Quoi qu'il en soit, ces travaux démontrent que les pollutions à l'ozone de « faible intensité » sont néfastes pour les enfants souffrant d'un asthme sévère, nécessitant l'instauration d'un traitement de fond. Un tel résultat pose de manière évidente le problème de la définition des niveaux standards de pollution : une pollution considérée comme faible et acceptable peut-elle en effet être associée à des troubles respiratoires importants chez les enfants asthmatiques ?
J.F. Gent et coll., « JAMA » du 8 octobre 2003, pp. 1859-1867.
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