LES DEUX DERNIERS passages de « Louise » à Paris où se déroule l'action, dans les milieux ouvriers de la fin du XIXe siècle à Montmartre, remontent à 1981 et 2000 dans des productions montées dans des théâtres français, respectivement Nancy par Jean Marie Simon et Toulouse par Nicolas Joel et invitées par le Théâtre musical du Châtelet. Dans les deux cas, on n'avait pas eu honte de montrer la soupe fumante dans la soupière ni le petit peuple de Paris et son pittoresque comme l'indiquent le livret signé, comme la musique, par Gustave Charpentier. La dernière production proprement parisienne montée à l'Opéra-Comique, d'où l'oeuvre n'a jamais quitté l'affiche depuis sa création le 2 février 1900, remonte à 1967.
Pour sa création à l'Opéra de Paris, on a fait appel au metteur en scène André Engel et son décorateur Nicky Rieti qui avaient réalisé la saison dernière un « Cardillac » de Hindemith grandiose mais très hors sujet. Pour aborder « Louise », ils ont à nouveau misé sur la démesure des décors et la transposition dans le Paris d'après-guerre, un monde vraiment différent de celui qu'a voulu évoquer Gustave Charpentier.
Ainsi dans l'interminable escalier d'une HLM, le grand salon plus « cosy » petit-bourgeois qu'ouvrier, dans l'immensité d'un quai puis à la sortie d'une bouche du Métropolitain, les personnages sont-ils perdus dans un univers stérilisé. Les scènes qui doivent montrer tout ce qui fait la richesse du peuple montmartrois, commerçants, petits métiers, crieurs de rue, se passent à rideau fermé, les choeurs cachés chantant ce que la mise en scène refuse de montrer. Les grandes scènes de genre que sont l'atelier et le jardin public où les « bohèmes » élisent Louise leur reine sont hypertrophiées. Bref on n'est plus du tout dans le drame intimiste réaliste, le roman musical voulu par Charpentier.
La froideur, toujours.
Musicalement on est partagé. La distribution est de haut niveau mais l'orchestre aussi, au sens propre, car on l'a surélevé et Sylvain Cambreling, familier de l'oeuvre qu'il a enregistrée, ne fait aucun cadeau aux chanteurs. C'est dirigé fort, analytique et froid, ce qui est le comble pour une musique aussi riche qui ne renie jamais son appartenance au sérail wagnérien.
Dans « Louise » deux couples s'affrontent : Louise, jeune ouvrière et Julien, son galant, que ses parents ne jugent pas assez bien aux critères de leurs valeurs morales. Le couple d'amoureux était bien équilibré avec Mireille Delunsch qui aborde là un rôle aux limites de ses moyens (et dans une salle aux limites de son volume), légèrement froide notamment dans son air « Depuis le jour où je me suis donnée… » qui est le « tube » de cet opéra, et un peu fatiguée pour la dernière scène, et Paul Groves, assez balourd scéniquement mais d'une fraîcheur vocale encore étonnante tout comme l'est sa diction.
Côté parents, on reste un peu sur sa faim avec Jane Henschel qui n'a pas le type vocal de la Mère et José Van Dam, immense acteur, encore magnifique de style et superlatif de diction mais dont la voix a désormais beaucoup perdu en volume et projection.
Aucune surprise dans la myriade de petits rôles que comportent cette oeuvre et qui sont censés évoquer un Paris dont la musique comme le texte ne cessent d'évoquer le charme et la splendeur que nous refuse à chaque minute André Engel. Le public de la première représentation, sensiblement plus âgé et moins disparate qu'à l'habitude, a accueilli ce spectacle sans effusions excessives.
Opéra de Paris : 0 892.89.90.90 et www.operadeparis.fr. Prochain spectacle : « L'Affaire Makropoulos » de Janacek. Mise en scène : K. Warilkowski, direction H. Zender avec Angela Denoke et David Kuebler. Du 27 avril au 18 mai. Prix des places : de 5 à 130 euros.
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